Contrairement à ce qui est écrit dans les premières pages du livre, il ne s'agit pas d'un roman, mais plutôt d'un recueil de huit histoires courtes sur des personnes liées de près ou de loin à K. K. Harouni.

Si deux des nouvelles sont centrées sur des personnages ayant l'insouciance d'une jeunesse privilégiée, la plupart d'entre elles mettent en scène des personnages modestes, des domestiques, des jardiniers et leur famille. On y voit s'insinuer des tensions, d'intermittentes amours, de la violence.

Ces nouvelles donnent une image presque féodale du Pakistan de cette période. Contrairement à ce que j'aurais imaginé, la religion en est quasiment absente. En revanche, la politique y trouve sa place, mais elle ne vise guère qu'à satisfaire des intérêts particuliers.

Ces textes mettent en lumière la précarité de nombreux travailleurs, à la merci des conspirations de leurs supérieurs ou à la fatale issue de la vie de leur maître : du jour au lendemain, ils peuvent se retrouver à la rue.

L'histoire se meut entre des étendues rurales et des grandes villes (sans l'atmospère bruyante et stressante de ces dernières : nous sommes derrière les murs de vastes domaines urbains). On trouvera aussi une escapade exotique à Paris. Ainsi, l'Opéra Garnier y est décrit avec méticulosité et justesse (à ceci près que les sièges des loges de face y sont confortables ! peut-être ne l'étaient-elles pas à l'époque ?).

Je ne dirai pas le lieu-commun qui consiste à affirmer que de ce livre s'exhalent des parfums d'épices ou de jasmins comme on le dit trop souvent à propos de livres issus du sous-continent indien et de façon à mon avis ridicule (cela se retrouve jusqu'à la quatrième de couverture de ce livre), mais il est vrai que ces histoires pakistanaises à la portée pourtant plus larges y sont fort bien enracinées grâce aux descriptions du cadre naturel dans lequel les personnages évoluent.

Ce livre est semble-t-il ma première incursion dans la littérature pakistanaise. Il donne à lire à propos de personnages divers et est donc particulièrement instructif.

Joël

Extrait :

Ce fut un voyage qui ramena Saleema à son enfance, au travers de villes qui ressemblaient à celles autour de sa maison, cent cinquante kilomètres plus à l'est, d'innombrables rangées de vilains immeubles en béton, des bazars grouillants, des taudis, des mares d'eaux usées envahies par des nénuphars comestibles, suivis de la pleine campagne, d'orangeraies en fleur, de champs de moutarde jaunes. Mais, cette fois, elle roulait dans une belle voiture et non dans un car vétuste, empuanti par la foule. Le soir précédent, elle s'était verni les ongles : sa main reposait sur la portière, le souffle du vent lui effleurait les doigts, elle se sentait jolie. Ils traversèrent des plantations de manguiers, des champs de blé prêts pour la moisson, Rafik égrenait son chapelet en plastique usé, récitait les quatre-vingt-dix-neuf noms d'Allah, son regard voilé laissait filer le paysage sans le voir.
Ils s'engagèrent sur une route à voie unique, traversèrent des marais salants, puis des champs irrigués, pour déboucher enfin dans un vergerde vénérables manguiers.
Tout ça, ça appartient à Mian Sahib ! annonça Rafik.

La saison des mangues introuvables
La saison des mangues introuvables de Daniyal Mueenuddin - Éditions Buchet Chastel - 307 pages