L'auteure et chanteuse brésilienne, ayant vécu en France et au Québec, ne cache pas que l'histoire de Marina est en grande partie la sienne. Classé comme 'récit' ce premier ouvrage semble en effet s'inspirer grandement de la vie de l'auteure, même si cette dernière admet avoir pris des libertés avec son histoire.
Dans l'attachement que Marina ressent face aux siens, on décode en effet l'amour de l'auteure pour sa famille. La récit, déconstruit, nous permet donc de faire la connaissance de sa famille et par le fait même du Brésil. Le récit se veut un savant tissage entre cette histoire politique et sociologique et celle des relations familiales de l'entourage de Marina.
Est-ce que c'est réussi ? Les portraits des personnages le sont: on s'attache aux parents et aux grands-parents. Marina elle-même est vivante, pleine de couleurs et de vraisemblances et même si on lui mettrait des baffes par moment parce qu'elle est trop gentille avec tout le monde, elle a le mérite d'en prendre conscience !
Pour ce qui est du récit lui-même, je ne suis pas certaine que l'aspect 100% déconstruit le serve vraiment. On saute d'une époque à l'autre sans trop saisir la logique de ces sauts dans le temps. (Et aucune idée pourquoi le livre se termine sur un chapitre d'histoire du Brésil 101. Mystère !) J'ai été agacée, finalement, de ne pas savoir s'il s'agit d'un roman ou de mémoires. J'aurais pardonné à des mémoires des complexités et des sauts qui rappellent le blogue (bon aujourd'hui je vous parle de ma grand-mère demain des mouvements gauchistes brésiliens!) que je pardonne moins facilement à un roman.
Mais pour moi, l'aspect vraiment dérangeant de ce livre c'est son niveau de langage. Agacée par moment, j'avais l'impression que chaque mot avait été cherché dans un dictionnaire de synonymes (non pas que je doute du vocabulaire de l'auteure, mais plutôt que les mots me semblaient plaqués, un peu artificiels). Comme si c'était trop bien écrit, dans le sens 'exercice d'écriture'... mais parfois au détriment de l'émotion. Un exemple :
"Pourquoi aller à Sao paulo ?" adjurais-je, découragée.
Est-ce bien écrit adjurais-je ? Je n'ai rien contre le bien parler mais il me semble qu'un récit doit être porté par un niveau de langage approprié et vice versa. Il y a quelque chose qui jure ici. Même chose avec des structures de phrases finalement un peu trop parfaites.
L'adolescence modèle qu'avait eue ma tante Lydia, habitant la maison même où elle était née, située dans la rue où ses meilleures copines étaient nées et avaient grandi, au sein de la ville où avaient vu le jour, poussé et prospéré les êtres composant son univers cognitif, me paraissait détenir des charmes ineffables.
Je ne saurais qu'en dire plus sinon que j'ai parfois eu l'impression qu'à vouloir faire 'beau' et 'bien' on nous privait un peu du 'bon', c'est-à-dire les mémoires extraordinaires d'une enfant témoin d'un Brésil en pleine transformation.
La Recrue du mois est une initiative collective qui met en vedette le premier ouvrage d’un auteur québécois. Pour lire les autres commentaires sur ce livre vous pouvez donc vous rendre sur le site de La recrue du mois
Extrait :
Une blonde aurait détruit, nié, annulé tous ces compliments dont j'avais une soif permanente. Mon père, mon premier public. Une blonde nous aurait ravalées, ma mère et moi, au rang de pauvres laiderons, de femelles quelconques, écartées de la grâce et du glamour, guenons du tiers-monde.
"Et comment est-elle?" (Oh, faites qu'elle soit brune, faites qu'elle soit normale, faites qu'elle soit des nôtres.)
Il sortit de sa poche une photo en couleurs, le portrait en pied d'une femme habillée d'un jeans pattes d'éléphant et d'une chemise à grand col sous un blazer ajusté, adossée au parapet en briques bordant l'étang d'un parc londonien et entourée d'un océan d'iris jaunes. Indubitablement brune, bien que teinte en un roux foncé, trop aubergine pour exister dans la nature, la peau mate, le sourire resplendissant; j'en fus immédiatement amoureuse.
« Elle est mieux en vrai qu'en photo », précisa-t-il, attendri. (Ah, ce grand sourire ! J'appris plus tard de Patty elle-même, parmi tant d'autres instructions de savoir-vivre dont elle avait des réserves inépuisables, cette inappréciable tactique: « Lorsqu'on n'est pas spécialement jolie, il faut toujours sourire sur les photos... on aura au moins l'air avenant. »)
Les révolutions de Marina de Bïa Krieger - Éditions Boréal - 279 pages
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