Tout ce que l'on sait et ce qui est dit de Mogador, c'est que nous raconte Alberto Ruy-Sanchez. Cette ville pleine de mystère à la frontière entre deux océans, celui des vagues de l'Atlantique et celui des dunes arides du Sahara. Mogador la fortifiée, Mogador la sensuelle. Mogador revisitée en une femme superbe. Mogador ville des amants, ville où tout est propice au désir.

Par des chemins différents, ils sont arrivés à lui comme à l'endroit du corps désiré où jamais on ne manque de revenir.

Alberto Ruy-Sanchez nous parle de cette ville en un langage plein de poésie, usant des mots comme un magicien jouant des effluves d'un parfum envoûtant. Dès les premiers passages, le lecteur a envie de se perdre dans les rues labyrinthiques de Mogador, dont même la musique du nom fait partie de sa magie, de son charme. On a vite envie se perdre dans la spirale infinie, envie d'en tomber amoureux.

On dit qu'au premier regard on en peut s'empêcher de s'éprendre d'elle ni de tomber passionnément amoureux de l'être avec lequel on la découvre ; que les couples ainsi formés ne se querellent jamais, ne peuvent se séparer et ignorent ce qu'est le dépit amoureux. Découvrir Mogador est un rite de fusion.

Mogador, ville où tout est différent : les amours, le vent, le temps, les bibliothèques, la lumière. Ville où l'histoire est inscrite sur la peau de ses habitants et ce dès leur plus jeune âge. Une ville où les livres sont classés d'une étrange manière :

En effet, les bibliothécaires de la ville classent l'histoire dans le royaume de l'assaisonnement, la cuisine avec l'étude de la salinité des vents [...]. Cette classification souligne que l'histoire se lit avec le corps tout entier et que chacun le fait à sa manière, selon ses goûts ; qu'elle est un très grand plaisir oral, des lèvres et de la langue plus que des dents ; qu'elle est « assaisonnée » de la touche très personnelle, corporelle, de ceux qui la préparent en la racontant, et que cette saveur particulière flatte le palais de qui l'écoute.

Tout, absolument tout est poésie et sensualité à Mogador.

Je ne vous en dis pas plus. Je vous laisse faire le voyage vers Mogador. Je vous y croiserai peut être au détour d'une de ses rues.

Dédale

Extrait :

Les neuf thèmes que ces choses dites recouvrent se sont imposés aux Mogadoriens aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur des murailles.
De l'apparition de Mogador, on ne cesse de dire des choses très différentes et contradictoires, toutes probables ou probantes, mais déterminément discutables ou déjà mises en doute.
Des choses que l'on raconte sur l'énigmatique et indescriptible anatomie, bien entendu invisible mais omniprésente, que revêt le sexe dans cette ville capricieuse neuf fois fortifiée.
Des lenteurs et des hâtes dans la façon de vivre le temps du temps dans le temps, d'écrire son histoire avec des nuages, de changer le vent en lumière, d'écouter avec les yeux et avec les mains, de regarder avec les oreilles l'obstiné dictamen de la peau.
Des choses qui courent, indomptables et emballées, dans les livres d'une bibliothèque comme dans une prairie ; qui courent de bouche à oreille mais toujours en épousant la spirale des rues du port.


9 fois 9 choses que l'on dit de Mogador de Alberto Ruy-Sanchez - Les Allusifs - 65 pages
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Gabriel Iaculli