Dès le lendemain de la diffusion du documentaire, le professeur d'histoire adopte en classe un comportement très éloigné du sien : il exige que les élèves se tiennent parfaitement droits, leur apprend des slogans (La force par la discipline, La force par la communauté, La force par l'action) et leur explique qu'ils appartiennent désormais à un communauté appelée La Vague avec son salut et son logo. Et rapidement, le professeur est dépassé par sa propre expérience... Lui qui voulait simplement montrer à ses élèves comment le parti Nazi avait pu prendre le contrôle du pays sans que les habitants ne se révoltent, transforme peu à peu le lycée en véritable dictature.
Au début de l'expérience, Ben Ross est plutôt content des retombées immédiates : tout à coup, les élèves se mettent à travailler, ils obtiennent de meilleurs résultats et Robert, le vilain petit canard de la classe, est enfin intégré au groupe. Lui-même trouve des satisfactions dans son nouveau rôle de guide. Seule Laurie, la meilleure élève, s'inquiète de l'étrange ambiance qui règne dans le lycée depuis la création de ce mouvement.
En tant que roman, ce texte est loin d'être parfait : on regrettera sans doute la pauvreté du style ou une narration trop superficielle. Mais ce roman n'en est pas vraiment un. Todd Strasser n'a pas cherché à écrire une étude approfondie sur les comportements humains, son objectif était de relater une expérience ayant réellement eu lieu ; il nous la livre donc sans enrobage ou digression, sans doute pour que l'on ne perde jamais de vue qu'il ne s'agit pas d'une fiction.
Si on passe outre les controverses liées à la publication de ce récit (Todd Strass s'est en effet inspiré du téléfilm diffusé en 1981 et non des écrits de Ron Jones qu'il n'a d'ailleurs jamais rencontré), ou même à la véracité de l'expérience (à ce sujet, voir l'article détaillé de Wikipédia), ce texte peut être un excellent outil pédagogique destiné aux lycéens. C'est un texte facile et accessible qui permet, même aux moins lecteurs d'entre-eux, de le lire rapidement. On pourra ensuite poursuivre la discussion en cours et élargir le débat en évoquant l'expérience de Milgram. Car si La vague a pu prendre, ce n'est pas, comme j'ai pu le lire ailleurs, parce que le professeur avait à faire à des adolescents malléables, mais bien parce qu'il est dans la nature humaine d'obéir à une autorité qu'il juge légitime : un professeur pour La Vague ou un scientifique dans l'expérience de Milgram. Or France 2 va nous montrer que la notion "d'autorité légitime" est plus que relative puisque dans Zone Xtrème, les "candidats" obéiront à une présentatrice d'un pseudo jeu-télé. De quoi avoir des frissons dans le dos....
Voir aussi les avis de Calepin, Leiloona, Emeraude, Ingannmic, Emma666 et Stéphie.
Laurence
Extrait :
Cet après-midi-là, avant de quitter le ycée, le professeur avait emprunté une quantité incroyable de livres à la bibliothèque. Comme sa femme, Christy, passait la soirée au tennis avec des copines, il avait pu disposer d'un long moment de réflexion. Pourtant, après avoir parcouru la plupart de ces ouvrages, Ben commençait à croire qu'il ne trouverait nulle part de réponse satisfaisante. Les historiens savaient-ils qu'on ne pouvait répondre à cette question par des mots ? Était-il donc nécessaire d'avoir vécu cet épisode tragique pour être en mesure de le comprendre ? À défaut, fallait-il recréer une situation similaire pour y parvenir ?
Cette idée l'intriguait. Supposons, pensa-t-il, supposons que je prenne une heure de cours, ou peut-être même deux, pour mener une petite expérience. Pour essayer de montrer à mes élèves à quoi ressemblait la vie quotidienne dans l'Allemagne nazie. S'il trouvait le bon moyen pour conduire cette expérience, il était certain que les lycéens en retireraient bien plus que de n'importe quelle explication académique. Cela valait vraiment la peine d'essayer.
Éditions Pocket - 222 pages
Commentaires
mercredi 3 mars 2010 à 09h25
Bienvenue dans le monde réel!
Celui de l'homme infiniment malléable, prêt a suivre le premier qui parle le plus fort ou lui donne une illusion de sécurité.
mercredi 3 mars 2010 à 12h36
Ce qui est effrayant dans le documentaire de France2 c'est le pourcentage de "candidats" qui sont allés jusqu'au bout de l'expérience. Ils n'avaient rien à gagner puisque c'était censé être un pilote qui ne serait pas diffusé. Il n'y avait donc ni l'appât du gain, ni le désir de se voir sur le petit écran. Or quand l'expérience de Millgram aboutissait à un résultat de 62,5%, Zone Xtrème arrive à plus de 80%
mercredi 3 mars 2010 à 13h24
"Un outil pédagogique", tu as raison, Laurence, ce texte n'est pas de la littérature, mais il n'est pas inutile malgré tous ses défauts, alors que le film était lui inutile. Par ailleurs, dans un film de Verneuil avec Montand, "I comme Icare", des expériences de soumission à l'autorité inspirées du psychologue américain Milgram étaient un élément important du scénario. J'avais été à l'époque très impressionné.
mercredi 3 mars 2010 à 15h06
J'ai découvert ce roman l'an dernier.
En tant que libraire dans une librairie jeunesse, c'est parfois difficile de proposer des livres sortant des sentiers scolaires, et pouvant répondre aux questionnements des adolescents.
Ce "premier livre politique", en dépit de ses faiblesses narratives, a reçu un très bon accueil quand nous l'avons conseillé.
mercredi 3 mars 2010 à 16h41
Un film tout à fait époustouflant a été tiré de ce roman. Il s'appelle "La Vague", et est désormais disponible en DVD. Je n'ai pas encore lu le livre, mais le film a une force incroyable, je ne savais pas que le cinéma pouvais faire ça. Il faudrait montrer ce film à tout le monde.
mercredi 3 mars 2010 à 20h08
Gatsby : oui, c'est vrai, j'aurai pu citer le film de Verneuil qui moi aussi m'avait marquée... Quant au film "La vague" je ne l'ai pas vu mais apparemment, à lire ton commentaire et celui de Oskar Cyrus, les avis sont contrastés.
emile : oui, je suis persuadée que ce roman est tout à fait pertinent pour les adolescents. J'ai d'ailleurs hésité longtemps à le mettre en littérature jeunesse.
Oskar : comme je le disais à Gatsby, je n'ai pas vu le film. Mais je me méfie toujours des adaptations. D'autant que j'avais eu par ailleurs de très mauvais échos.
jeudi 4 mars 2010 à 19h34
Je viens de lire ce livre il y a peu de temps aussi. Je l'ai aussi trouvé un peu faible niveau narration. Mais j'ai hâte de voir ce fameux reportage sur France 2.
vendredi 5 mars 2010 à 13h13
Ah l'expérience de Milgram, un classique en psychologie sociale. ^^
dimanche 7 mars 2010 à 10h16
Tulisquoi : je regarderai moi aussi ce reportage et je me demande ce que j'aurai fait dans la même situation. Il est tellement confortable et facile de se dire que l'on aurait agi soi-même différemment, mais est-ce vrai?
Luft : je n'ai jamais fait de psychologie sociale, mais je suppose effectivement que c'est un grand classique.
lundi 8 mars 2010 à 21h08
Il est assez édifiant de s'apercevoir que l'on peut retomber à tout moment dans le même piège que celui du national socialisme en raison de nos comportements naturels qui acceptent un chef légitime, quel qu'il soit ! Cela a été le cas pour les Allemands de l'entre-deux-guerre. Et ce court roman vient nous rappeler notre fragilité, malgré la vigilance ... A ce titre, il y a aussi "LTI, la langue du IIIe Reich" de Victor Klemperer qui explique très bien les mécanismes du langage utilisé sur les foules. C'est presque inquiétant !
mardi 9 mars 2010 à 18h18
Nanne : Merci pour la référence, je regarderai si je le trouve.
jeudi 2 décembre 2010 à 18h30
Comment aboutissent les effets néfastes d'un groupe d'individus lorsque sa cohésion est fondée sur des principes purement autoritaires.
Loin d'être un chef d'œuvre, le roman (n'ayant aucun intérêt purement littéraire) est écrit simplement et son sujet n'est pas approfondi. Mais, je pense qu'il a été écrit afin de permettre à un grand nombre de le lire. Et cela, c'est important ! Car le roman nous laisse à notre propre réflexion. Il en découle que la bête qui sommeille en nous peut se réveiller à tout moment. C'est une prise de conscience « post-lecture » révélant notre faiblesse, notre imperfection humaine et notre petitesse latente. Peut-on se permettre de juger les pages de l'histoire lorsque l'on s'aperçoit que la masse peut être sujette à l'endoctrinement irraisonné ? Je ne crois pas. L'homme préfère se voiler la face sur les actes d'horreur répréhensibles. L'homme est sujet à la dérive, au fanatisme, aux caresses de grandeur, au pouvoir du contrôle des esprits faibles.
Sommes-nous certains de ne pas mépriser nos propres convictions, malgré la peur ou la souffrance ?
Comment briser cette spirale infernale, dans laquelle nul n'aurait jamais cru pouvoir un jour tomber ?
La Vague est un roman qui dérange et génère de nombreux questionnements. Et pour reprendre les mots de l'auteur, c'est surtout un livre "très utile".
lundi 12 septembre 2011 à 01h08
une rare niaiserie
6€ à se faire rembourser sans attendre