Il est de ces histoires dont on a du mal à se détacher, dans lesquelles on tombe avec délice tellement le suspense est prenant dès les premières pages. Et très vite l'angoisse de la fin qui arrive forcément trop vite, de ces feuilles qui restent à lire et qui se réduisent inexorablement.
Ici, une double lecture, une double histoire. Une construction fine et intelligente dans laquelle on ne se perd jamais. Nous lisons l'histoire de Marion, mais plus encore, nous lisons avec Marion l'histoire de Jeremy, captivés comme elle par ce qu'il raconte, frustrés comme elle lorsqu'elle doit refermer le journal, impatients comme elle de connaître le dénouement, de savoir si c'est vrai...
Un va et vient incessant entre un Mont Saint-Michel quasi désert, sombre, battu par des tempêtes d'hiver et une capitale d'Egypte, 70 ans plus tôt, croulant sous la chaleur, le soleil et le sang.

C'est mon troisième roman de Maxime Chattam, et je suis de plus en plus sous le charme de son univers ; bien que "charme" ne soit pas l'adjectif adéquat compte tenu des sujets. :-)
Des enquêtes passionnantes, des personnages crédibles, une façon assez redoutable de tenir en haleine à la manière de certains réalisateurs qui coupent le plan avant la fin d'une scène pour générer l'impatience. Et ce dernier point est d'ailleurs le seul bémol pour moi, le défaut de la qualité en quelque sorte ; parfois il y en a trop de ces "sabrages" de chapitre abrupts laissant sur sa faim à la limite de l'agacement. Mais cela fait partie du rythme.
Je rajoute à cela un prologue fort original : l'auteur nous explique que pour la première fois, il a écrit son histoire en écoutant de la musique de film et il nous donne les références pour le cas où nous voudrions être encore plus proches de son état d'esprit lors de la conception de l'ouvrage.

Bref, pour moi, un excellent polar, dépaysant et inattendu jusqu'à l'extrême fin, dont j'ai tourné la dernière page à regret.

Du même auteur : La théorie de Gaïa, Prédateurs, Les arcanes du Chaos, Léviatemps

SuperBuse

Extrait :

Marion relut les dernières lignes du journal:
 " Je m'immobilisai aussitôt. Ce frisson sur la nuque, cet étirement à la base des oreilles, je savais les interpréter. A force de chasser sur les terres de prédateurs africains, j'avais développé cette intuition propre aux êtres vivant à l'écoute de la nature. Je savais reconnaître l'association de mon corps avec la partie encore sauvage de mon esprit comme l'annonce d'une menace possible. La concentration extrême de mes sens venait de capter de subtiles altérations dans mon environnement, un danger imminent envisageable."
Le récit de l'enquête devenait de plus en plus intrigant, et il se pimentait à présent d'un soupçon d'action. Marion était captivée.
(...) Bien sûr elle devait relativiser, tout ce qu'elle lisait passait par le filtre subjectif de Jeremy Matheson; finalement ses déductions étaient plus qu'orientées, sinon amenées par les opinions mêmes du détective. Quoiqu'il en soit, tous les enfants assassinés avaient un rapport direct avec la fondation, ça n'était pas une coïncidence mais plutôt le lien entre le tueur et ses victimes. Restait à remonter ce fil.


Le Sang du temps
de Maxime Chattam - Éditions Pocket - 467 pages