Antoine Largarde, consultant aux tarifs exorbitants, a l’habitude d’écouter et de laisser parler ses clients. Un psy pour cadre en mal de compliments. Affublé d'une ex-femme, d'un fils qu’il adore plus que tout, d'une secrétaire dévouée et de quelques maîtresses, il collectionnait jusque-là les prouesses. Mais sa rencontre avec la belle et glaciale Ava Desmarets, rousse dominatrice, lui donne des sueurs froides et voilà qu'il se pose des questions sur sa capacité à combler une femme.
Le récit commence avec la mort du père d’Ava, retrouvé assassiné dans son appartement. La police ne relève aucune trace d’effraction et le seul élément volé est un tableau de Carl Moll, tableau qui ne semble pas avoir beaucoup de valeur. Le soir même Ava reçoit un mail énigmatique et c’est le début des emmerdes pour Antoine Lagarde qui aurait mieux fait d’écouter les avertissements de sa belle amazone. Au lieu de ça, il plonge corps et âme dans une enquête qui le dépasse pour épater sa dulcinée.

Antoine Lagarde ne s'est pas assagi depuis sa dernière aventure, à croire qu'il n'a pas tiré les leçons du passé. Il le sait pourtant, que de jouer au détective ne lui réussit pas. Mais c'est plus fort que lui : ce mail sous forme d'énigme est un défi qu'il ne peut ignorer. Bravant l'interdiction d'Ava et devenant ainsi un suspect idéal pour la police, il va essayer  malgré tout de démêler les fils de ce sac de nœuds.

Paul Colize utilise ici une double narration : d’un côté l’action au présent avec Antoine Lagarde empêtré dans ses démêlés avec la police ; de l’autre, entre 1901 et 2006 l’histoire imaginée par l’auteur sur l’existence d'un tableau de Klimt. Klimt aurait en effet peint une première version de son célèbre Baiser pour l'offrir à Carl Moll. Mais malgré les recherches, personne n'a jamais réussi jusque-là à mettre la main sur cette peinture, à tel point que les spécialistes doutent de son existence. Et si ce tableau avait refait surface? Jusqu'où les amateurs d'art seraient prêts à aller pour l'acquérir ? Jusqu'au meurtre ?

On retrouve la patte de Paul Colize : un sens du dialogue aigu, des actions qui s'enchaînent sans aucun temps mort et surtout, l'impossibilité pour le lecteur d'avoir une longueur d’avance sur le personnage principal. Et puis bien sûr, comme toujours, Paul Colize jongle entre suspense, sexe et humour. On retrouve sa passion pour les rousses dominatrices et certains personnages sont plus vrais que nature comme Goran le taciturne accro à la clope ou Alice la psy suissesse.

Et pourtant, à ma grande déception, la mayonnaise n'a pas pris. Je n'ai pas ressenti cette adrénaline si particulière qui m'accompagne habituellement pendant ma lectures des romans de Paul Colize. Si l'idée de départ était pleine de promesses, Antoine Lagarde ne m'a pas entièrement convaincue cette fois-ci et j'ai regretté de ne pas retrouver l'homme qui m'avait fait craquer dans Le valet de cœur. Ses problèmes d'érections n'apportent rien au récit et il m'a manqué ce petit supplément d'âme qui le rendait si attachant dans le précédent opus. Le baiser de l'ombre est certes un polar de bonne facture pour qui n'a jamais lu Paul Colize mais ce n'est malgré tout pas celui que je conseillerais pour découvrir cet auteur. C'est toujours un crève cœur de finir le roman d'un auteur que l'on aime et soutient depuis des années sans avoir ressenti cette alchimie qui nous fait habituellement fondre. Aussi, parce que j'aime cet auteur, je vous invite à lire également le billet de Marc, plus enthousiaste que le mien. Pour ma part, j'attends avec impatience le prochain roman de Paul Colize, qui je l'espère scellera nos retrouvailles.

Du même auteur : Back-up, Le valet de cœur, Le seizième passager, Les sanglots longs, Clairs obscurs, Sun Tower et La troisième vague.

Laurence

Extrait :

Ava hurle à gorge déployée dans le salon. Je bondis hors de la cabine de douche, m’empare d’une serviette, la noue autour de ma taille et fonce dans le couloir.
Ava est debout, nue, les mains sur la bouche, pétrifiée devant son Mac.
Je fais le tour du bureau.
Sur l’écran d’ordinateur, une photo. A l’avant-plan son père a poil, glabre et bedonnant, à quatre pattes sur un canapé. Il a les yeux révulsés et la bouche crispée par un rictus. Derrière lui, un monstre bobybuildé dont le visage n’apparaît pas sur le cliché le sodomise, les mains accrochées aux bourrelets de sa proie.
Ava recule comme si l’ordinateur était contaminé.
- Antoine ! Enlève ça, enlève ça !
Sa voix prend des inflexions hystériques.
- Ava, il faudrait peut-être prévenir…
Elle hurle de plus belle.
- Non, non, non, enlève-moi ça ! tout de suite !
J’attrape la souris et referme la fenêtre. La photo était attachée à un mail, ouvert sur l’écran.
- Supprime ce message.
- Ava, la police…
- Immédiatement !
Je m’exécute.
D’un œil, je survole l’adresse de l’expéditeur, relève l’objet du message.
Cherchez l’erreur
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Le contenu du message est identique et tout aussi laconique
Cherchez l’erreur
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Le baiser de l'ombre de Paul Colize - Éditions Krakoen - 318 pages