Très rapidement, Dorothée Piatek se débarrasse de la mère biologique, par un procédé que l'on peut juger un peu trop facile, et concentre la recherche de Gabriel sur le père : il aurait été étudiant aux Beaux Arts de Paris l'année où Grabriel est né. Avec ces faibles informations, Gabriel enquête et espère que son père aura le même signe distinctif que lui : des dents du bonheur.
Le personnage de Gabriel est très crédible : en colère, injuste avec ses parents adoptifs, empêtré dans des émotions contradictoires, il tente de reconstruire son passé pour s'assurer un avenir. Bien sûr, il se rendra vite compte que ses rêves sont très éloignés de la réalité et que la parentalité ne se résume pas à une histoire d'A.D.N. Avec un vocabulaire très proche de celui des adolescents, Dorothée Piatek invite ses jeunes lecteurs à réfléchir sur la notion de parents biologiques et parents nourriciers, sans tomber dans la mièvrerie.
Mais ce roman a le défaut de ses qualités : si le rythme est enlevé et l'intrigue menée tambour battant, certaines coïncidences sont trop belles pour être vraies et le dénouement élude un peu trop facilement une grande part de la problématique. Quid de la mère ? Un enfant se contentera-t-il réellement d'une lettre qui lui demande de ne pas entamer de recherches ? Les dents du bonheur, s'apparente donc plus à un instantané sur le processus de recherche qu'à une réelle réflexion sur l'adoption.
Malgré tout, ce court roman par son écriture fluide et émouvante, devrait séduire les adolescents intéressés par la question.
Laurence
Extrait :
C’était ça mon problème, « aimer ».
Un jour, on ne m’a pas aimé et ça a foutu le bordel dans ma tête. Je ne me souviens pas de grand-chose de ma petite enfance. Enfin... pas de ce qui s’est passé avant mes sept ans.
Tout s’est effacé d’un coup, comme si mon disque dur s’était scratché. Le vide, le néant, plus rien.
Tout ça à cause de la grande et belle nouvelle qu’il fallait bien m’annoncer un jour, le jour de mes sept ans en l’occurrence, le putain de jour de mon putain d’anniversaire ! Cette nouvelle a niqué à elle seule sept années de ma vie. En une fraction de seconde, oubliés l’entrée à l’école maternelle, la première maîtresse, les câlins de maman, le cadeau rêvé au pied du sapin à Noël. Oubliés les anniversaires avec les copains le mercredi après-midi dans le jardin, les premières brassées à la piscine municipale. Oubliés mon premier vélo et ma plus grosse gamelle, oubliée l’arrivée de ma sœur Agnès...
Oublié, effacé, explosé !
Il ne restait à la place de toutes ces années qui m’avaient construit que cette phrase que mes parents avaient longuement préparée :
« On voulait un enfant. On a tout essayé... mais on n’a pas réussi. Alors on a décidé d’adopter. C’était pour nous un acte d’amour. Vivre sans enfant, nous n’aurions pas pu. Ton arrivée dans notre vie a été une joie immense pour nous. »
Les dents du bonheur de Dorothée Piatek - Éditions Petit à Petit - 69 pages
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