Ce roman d'Indu Sundaresan est le troisième volume d'une trilogie historique, après La vingtième épouse et Le Festin de roses qui étaient tous les deux consacrés à Nur Jahan, à la fois grande-tante de Jahanara et épouse de son grand-père paternel.

Ce n'est pas le premier roman que je lis à propos du personnage de Jaharana. J'avais en effet lu il y a deux ans Sous un ciel de marbre de John Shors. Ce roman-là, aussi distrayant à lire qu'il fût, était, historiquement parlant, du grand n'importe quoi...

Si le livre d'Indu Sundaresan est bien un roman, il ne s'écarte que modérément des données historiques. L'auteure semble avoir fait des recherches assez sérieuses. Elle a même puisé dans les différentes sources des épigraphes insérées au début de chaque chapitre. Seront ainsi cités, entre autres, François Bernier (Un libertin dans l'Inde moghole (1656-1669), Chandeigne), Niccolo Manucci (Un Vénitien chez les Moghols, Phébus libretto) et le joaillier Jean-Baptiste Tavernier.

Bien sûr, l'auteure a ajouté un peu de piment pour faire son roman. Son ressort est l'amour qui eût lié Jahanara à Najabat Khan, un des proches de son frère Aurangzeb (qui succédera à Chah Jahan après avoir tué tous ses frères et emprisonné son père).

Le roman redonne un peu de vie à des lieux comme le Fort d'Agra qui ne sont aujourd'hui plus visités que par les touristes. On notera cependant la répétition de quelques lieux communs (notamment sur les épices et les parfums) et une curieuse insistance sur l'éclairage des pièces par des diyas.

L'ensemble fait un roman dont la lecture est plaisante, que l'on connaisse déjà ou non les grandes lignes de l'accession au pouvoir par Aurangzeb. En effet, l'auteure distille imperceptiblement de nombreuses informations sur l'Inde de l'époque. Ces explications s'insèrent assez naturellement à l'intérieur du récit, de sorte que le lecteur, tout en se divertissant avec une histoire quelque peu sentimentale, s'en trouvera peut-être plus instruit à la fin !

Bref, c'est une lecture que je conseille et qui m'encourage à lire les deux précédents volumes de la trilogie.

Joël

Extrait :

Jahanara baisa la main de son père et s'efforça de garder un ton neutre :
— Tu ne vas pas abandonner l'empire, Bapa ! À qui le céderais-tu ? Nous sommes tous si jeunes, si inexpérimentés, et tu as tellement lutté pour obtenir cette couronne...
— Certes. Si quelqu'un doit se souvenir des épreuves que j'ai dû surmonter, c'est bien toi. Tu étais sans cesse auprès de nous.
Il contemplait ce jeune visage attentif et ne put s'empêcher de songer à Arjumand au début de leur mariage. Mais ce ne fut qu'une image fugitive. Bien que Jahan eût un caractère étonnamment semblable à celui de sa mère, physiquement c'était une tout autre femme. Ce dernier mot tourna quelque peu les sens de l'empereur : la mort de son épouse avait fait de leur fille aînée une femme à ses yeux, lui qui jusque-là l'avait toujours considérée comme une enfant.


Princesse de l'ombre d'Indu Sundaresan - Éditions Michel Lafon - 384 pages