Aidé de son fidèle ami, le calviniste Félix, François part sur les routes de France et d'Italie à la recherche des plantes empoisonneuses. Les deux étudiants espèrent bien ainsi disculper Catalan dont ils ne doutent pas de l'innocence.
Michèle Barrière, historienne de la gastronomie et écologiste convaincue, a eu l'idée il y a quelques années de mettre la fiction au service de ses convictions et connaissances. Meurtres à la pomme d'or est ainsi le premier opus de la série. Si l'intrigue policière n'est en fait qu'un prétexte narratif, il y a un vrai plaisir à se plonger dans l'univers culinaire et médical de la Renaissance. Le lecteur visite apothicaireries, marchés, cuisines des grands de ce monde, et en dehors d'une grossière erreur (comment peut-on introduire la Tielle sétoise au XVIème siècle quand elle a été inventée au XXème ?), l'ensemble est tout à fait vraisemblable et instructif. Au-delà des questions scientifiques et gastronomiques, Michèle Barrière aborde également le problème de la religion alors très présent dans la ville de Montpellier. Et puis bien sûr, vivant moi-même dans cette jolie ville, j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir des lieux que je parcours quotidiennement, des lumières, une atmosphère toute particulière. Certes le style n'est pas renversant mais le récit se lit avec facilité et les différents personnages qui traversent l'intrigue ont ce petit quelque chose qui rendent les romans d'aventures plaisants.
À la fin du roman, Michèle Barrière propose un petit fascicule sur cette pomme d'or si intrigante pour les Français de la Renaissance et elle laisse alors libre cours à son engagement écologiste. Loin d'être rébarbatif, cet appendice, à la fois enrichissant et passionnant, donne envie de prendre son panier et d'aller flâner sur les marchés d'antan.
Laurence
Extrait :
En fidèle chevalier servant, François suivit Anicette dans ses achats. Catalan lui avait indiqué ses propres fournisseurs, ce qui traduisait la confiance qu'il avait en la jeune femme. François ne négligeait pas pour autant les étals de comestibles. Pendant qu'Anicette discutait avec un marchand de mastic de Chios, il s'était approché d'une échoppe présentant la casse d'Egypte, du safran perse, de la cardamome et de la cannelle d'Inde, du musc du Tibet, du galanga et de la rhubarbe de Chine.
Les odeurs le rendaient ivre de bonheur. Tout ce qu'il avait sous les yeux lui disait que le monde était un enchantement. Sa vocation était bien là : faire découvrir de nouvelles alliances subtiles de goûts et de saveurs. Étourdi par tant de richesses, il avait abandonné Anicette et se frayait un chemin à travers la foule de badauds et d'acheteurs. Il resta un long moment auprès d'un marchand de Gênes qui vendait vermicelles, fromages et thons marinés.
L'heure du repas approchait. Il rebroussa chemin, retrouva Anicette et l'entraîna au bord du Rhône où étaient concentrés les estaminets et baraques de traiteurs. Soudain, il se planta devant elle et déclara avec fougue :- J'ai une idée lumineuse, Anicette ! Il faudrait organiser une grande foire qui ne serait consacrée qu'à l'art de la gueule. Ily aurait des échoppes avec les spécialités de Gênes, Venise, Alexandrie, Constantinople, Barcelone... Il y aurait des fromages d'Arles, des Cévennes, de la Drôme, les vins de la vallée du Rhône. Cela s'appellerait "la Foire du goût". On pourrait aussi y inviter les maîtres queux de toute l'Europe qui s'affronteraient dans des concours de recettes. Ou pourquoi pas des chaircuitiers à qui on décernerait le prix du meilleur andouiller, du meilleur boudinier, du meilleur saucissier. À coup sûr, ce serait un grand succès.
Anicette lui rétorqua que pour le moment, il leur fallait se contenter des spécialités locales, ce qui n'était pas si mal.
Meurtres à la pomme d'or de Michèle Barrière - Éditions Le livre de poche - 312 pages
Commentaires
lundi 5 avril 2010 à 13h14
Parfait tout ça, j'ai offert ce livre à ma chère binôme dans le cadre de notre premier échange au long cours, je suis donc ravie de constater qu'il est aussi intéressant que je le pensais.
lundi 5 avril 2010 à 13h25
Ys : l'histoire de la tielle au début du roman m'a fait craindre le pire, mais finalement c'est une lecture très agréable. Et comme je le précise dans mon billet il a eu une résonance particulière puisque les lieux ne me sont pas inconnus
J'espère que ta binôme appréciera elle aussi. 
samedi 17 avril 2010 à 19h46
Vous avez tout à fait raison quant à l’anachronisme de la tielle. Mais il y en a d’autres ! Comme la brandade ! C’est tout à fait volontaire. Ayant monté en 1998 à Agropolis Museum à Montpellier une exposition sur le patrimoine culinaire en Languedoc-Roussillon, je connais assez bien les différents produits de la région. Et je n’ai pas résisté à l’envie de parler de mes préférés ! Ne m’en veuillez pas pour cette liberté d'auteur ! Cordialement. Michèle Barrière.
samedi 17 avril 2010 à 20h01
Bonsoir Michèle Barrière et merci de ces éclaircissements. Pour la brandade j'ai également eu de gros doutes mais les origines de ce plat sont plus floues et la morue étant déjà importée au XVIème siècle, je ne voulais pas dire de bêtises.
samedi 2 octobre 2010 à 19h26
Ce roman a été pour moi un moment de délassement
Redecouvrir la naissance du métier d'apothicaire m'a réjouie.Les bagarres médecins /pharmaciens m'ont fait sourire :l'histoire parfois se répète...
Quant aux recettes citées ,je compte bien en tester certaines ,tant pis pour la ligne!!!
lundi 4 octobre 2010 à 12h59
Merci Sylvaine pour ce retour. Quant aux recettes, je partage ton enthousiasme, qu'importe la ligne pourvu qu'on ait l'ivresse
mardi 23 novembre 2010 à 09h47
C'est un livre qui me tente vraiment beaucoup ... Le côté polar ne semble qu'être un prétexte pour nous emmener dans une aventure culinaire ! Je ne vais pas résister longtemps !