Cette bande dessinée emmène le lecteur dans les rues du Caire, celui des mendiants, des pauvres qui n'ont pas forcément un toit pour se loger. C'est aussi la ville des maisons closes, dans lesquelles ont fait la rencontre de Set Amina et de ses filles, en particulier Arnaba qui aura un destin funeste. Dans ces rues étroites, où la foule se presse, on suit plus particulièrement trois individus. Le premier rencontré est Gohar, vieillard au bonnet rouge constamment vissé sur la tête et accroc au haschich. Il fait des cauchemars qui le plongent dans une Egypte fantasmagorique, où il manque se noyer. Le second est Yeghen, le fournisseur de Gohar. Homme au physique ingrat, il tente d'apporter à ses clients la plénitude via la drogue. Le troisième de la bande est El Kordi, jeune homme idéaliste, bien habillé, aux rêves de révolution.
Tous ces personnages se trouvent au cœur une enquête policière, qui n'est finalement qu'un prétexte qu'utilise Cossery pour dépeindre les habitants pauvres du Caire. C'est également l'occasion de faire connaissance avec un officier autoritaire qui a du mal à assumer son attirance pour les hommes. Il est de fait obligé de donner rendez-vous à ses amants dans de petites boutiques au fin fond de quartiers sordides pour être sûr de ne pas être reconnu.
Autour des principaux protagonistes, on découvre encore un homme tronc victime des violences de sa femme jalouse, ou la tenancière de la maison close qui fait tout pour que son commerce reprenne. Une galerie de personnages tous plus étranges les uns que les autres, dont les intentions se découvrent petit à petit et que le lecteur a envie de suivre. L'intention de Cossery, outre celle de décrire cette ville, est également de mettre en avant cette partie de la population souvent décriée, mais qui a des raisons pour vivre de la façon dont elle le fait.
Le dessin de Golo rend un hommage intéressant à cette vie des quartiers populaires, plein des bruits des tramways ou des boutiques. On y ressent l'influence d'autres dessinateurs, comme à travers le personnage de Yeghen qui évoque ceux de Tardi dans Adèle Blanc-Sec, ou celle d'Hergé par le biais de cet policier infiltré à la moustache pareille à celle de Dupont (oui, le frère de l'autre), et qui est aussi efficace que son illustre modèle. Une jolie évocation des milieux pauvres de cette ville du Caire, ville d'origine d'Albert Cossery avant son arrivée à Paris, et dans laquelle a décidé de s'installer Golo, né pour sa part en France. Un carrefour qui a permis à un auteur et à un dessinateur de se rencontrer, pour un fort joli résultat.
Extrait d'un passage du roman qui figure dans la BD :
Le bordel de Set Amina n'était pas pour Gohar un lieu de plaisirs faciles ; il n'y venait jamais en client, mais seulement pour y remplir des fonctions d'une haute importance littéraire : rédiger les lettres d'affaires et, parfois, les missives amoureuses de quelques putains illettrées. Ainsi, il conservait toujours ce rôle d'intellectuel omnipotent comme à l'époque où il enseignait dans la plus grande université du pays. Mais ce qui était à cette époque tellement haïssable, n'avait plus ici sa raison d'être. Il n'était pas tenu de débiter les éternels mensonges philosophiques auxquels, hélas ! il croyait en ce temps-là. Cette liberté de penser qui était l'apanage de son nouveau métier lui procurait une source de joie généreuse et sans mesure.
Mendiants et orgueilleux de Golo et Albert Cossery - Éditions Futuropolis - 80 pages
Commentaires
mercredi 5 mai 2010 à 10h30
Ce roman est pour moi une magnifique lecture, je suis tentée par la BD !
jeudi 6 mai 2010 à 12h05
Je n'ai pas lu le roman, mais je pense que le BD est assez fidèle. Je te conseille donc de t'y plonger !
jeudi 13 mai 2010 à 18h42
Le roman est une pure merveille, l'écriture est d'une grande qualité.
Merci Mr COSSERY.
vendredi 14 mai 2010 à 10h16
Merci Kaddouchka, ton commentaire me donne vraiment envie de découvrir la plume de Cossery, dans la version "roman" cette fois !