La Femme qui pleure est le premier roman de la chanteuse et actrice Viktor Lazlo. La narratrice, Ida, est enfermée dans la chambre d’un hôpital psychiatrique. Elle laisse les souvenirs et les visages la submerger, dans le désordre d’une pensée abrutie de médicaments : la figure de son père, adulé voire fantasmé, celles des garçons de son adolescence, d’Alexandre, son fils, qu’elle aime trop et pas assez, et surtout d’Adrien, l’amant terrible, qui l’a manipulée et brisée.

Pourquoi ce roman si poignant m’a-t-il laissée les yeux secs ?
Est-ce le ton, trop uniformément larmoyant ?
Est-ce mon éducation féministe, qui me fait trouver horripilant le fait qu’Ida se complaise dans le malheur et ne cherche pas à se soustraire à l’homme qui la détruit ? La quatrième de couverture affirme qu’Ida « ausculte minutieusement le mécanisme de la dépendance amoureuse dans laquelle elle a peu à peu sombré. » Je trouve moi que si Ida ressasse cette dépendance, elle ne l’explique pas, que je ne me l’explique donc pas et ne ressens guère d’empathie pour elle.
Est-ce la structure du récit, discontinue, et forcément répétitive (quand les retrouvailles s’enchaînent aux ruptures, sans que leur relation ne progresse) ?
Sont-ce les poncifs de l’amour destructeur ? « Adrien, comme tu es beau, comme tu es con ! Je te déteste. Tu es le seul homme que j’aie jamais aimé. » [p.128]
Est-ce la chute du récit, acmé de sa descente aux enfers, insoutenable et à laquelle pourtant je m’attendais ?
Est-ce le fait que la folie de la narratrice n’est pas exploitée au niveau de l’écriture ?

Je ne me souviens pas avoir déjà lu de romans sur la dépendance amoureuse, et qui pourraient me servir de comparaison. J’ai par contre lu plusieurs romans sur le manque d’amour et la folie, parmi lesquels j’avais adoré Cœur de pierre d’Anne Bragance et Moi, l’interdite d’Ananda Devi, pour leur tension dramatique, le malaise qu’ils distillent chez leur lecteur, la chute horrifique du premier et l’écriture hallucinée du second.

Nezdepapier

Extrait :

[La narratrice a retrouvé le journal intime qu’elle tenait adolescente, dans une curieuse mise en abyme de mes propres impressions de lecture]

J’ai été horrifiée par tout ce que j’y ai lu. On m’avait jetée, piétinée, bafouée mille fois, et je tenais une comptabilité scrupuleuse de toutes ces souffrances. Il y avait une distance choquante dans cet étalage de la honte une étrange objectivité, comme si j’y avais raconté l’histoire d’une autre. J’étais la spectatrice distante de ma propre existence. Je revivais cette adolescence hideuse en me demandant comment j’avais survécu à si peu de respect et autant de dégoût.


La femme qui pleure de Viktor Lazlo - Éditions Albin Michel - 160 pages