Qui n’a pas vu « Sueurs froides » (Vertigo) d’Alfred Hitchcock ?!
Bien qu’étant une fan de ce réalisateur, j’avais un peu d’appréhension à la lecture d’Entre les morts, ayant auparavant lu trois romans adaptés par lui, à mon sens parfois un peu librement.

Pourtant force est de reconnaître que Sueurs froides est assez proche du roman de Boileau-Narcejac, si l’on fait abstraction des lieux et surtout de l’époque.
Hitchcock, comme souvent, a su trouver chez les auteurs qu’il adapte, des histoires fortes, lourdes d’atmosphères, dont la plume aime à décortiquer l’âme humaine et ses méandres.

Et justement, dans ce roman, outre une écriture fluide mais ciselée, l’atmosphère étrange qui entoure le « mystère Madeleine » est omniprésente. On la retrouve dans l’odeur de son parfum, dans la lumière qui éclaire les rues de Paris, dans l’obsession de Flavières ; obsession qui va le pousser à se révéler à lui-même, par delà l’évidence, par delà les séquelles d’une guerre.

Rajoutons à cela une enquête qui part comme une histoire quasi surnaturelle et qui nous entraîne sur une fausse piste, et le plaisir de la lecture est multiplié.

SuperBuse


Il est vrai que Vertigo est un chef d’œuvre du cinéma, avec son ambiance mystérieuse, vénéneuse, et le mystère qui entoure son héroïne. Comme Superbuse, la plongée dans le roman qui a inspiré Hitchcock peut créer de l'appréhension. Pourtant, l'ouvrage est intéressant, notamment pour se rendre compte des libertés qu'a pris le réalisateur avec l'intrigue initiale.

Dans le roman, le cadre géographique est on ne peut plus habituel pour un français. L'histoire se déroule en grande partie à Paris et dans la banlieue, et prend un tournant décisif sur la Côte d'Azur. Pas de promenade à San Francisco pour les héros, comme pour James Stewart et Kim Novak. Plus inhabituelle est la période laquelle se déroule la première partie de l'intrigue, la drôle de guerre, cette époque fin 1939 - début 1940 où la population attend avec fébrilité l'attaque allemande qui ne vient pas.

C'est à Paris donc, et à cette époque, que Flavières, ancien inspecteur police, est sollicité par un ancien ami pour suivre sa femme. Celui-ci n'a pas peur de l'adultère, mais de l'état de santé psychique de sa femme. Depuis plusieurs semaines, elle a des comportements étranges qui inquiètent son mari. Et ce d'autant plus que la grand-mère de Madeleine, Pauline Lagerlac, a souffert de troubles similaires et qu'elle s'est suicidée.

Flavières suit donc Madeleine. Il la sauve de la noyade à Courbevoie, mais ne peut empêcher son suicide du haut d'une église de la lointaine banlieue parisienne. Ce suicide, qui ravive son vertige, le hante. Il ne parvient pas à oublier cette femme, à expliquer la relation trouble qu'elle avait avec Pauline, dont elle était presque devenue un double. Au point qu'il est persuadé de revoir Madeleine, lors d'un séjour sur la Côte d'Azur.

Le roman donne la trame du scénario qui sera suivi par Hitchcock. Ce qui diffère, c'est l'ambiance. On retrouve le trouble qui saisit l'ancien inspecteur de police, persuadé de revoir une femme qu'il croît morte et presque prêt à croire que Madeleine a pris possession de l'âme de cette femme, comme Pauline l'a fait avec Madeleine. Le roman est toutefois plus axé sur l'action : les épisodes s'enchaînent, emmenant le lecteur dans un grand théâtre, dans un hôtel de la Côte d'Azur ou dans une église. Le roman a également un aspect policier plus marqué, avec la quête éperdue de la vérité. Et élément tout de même essentiel, la fin de l'histoire est assez différente, moins machiavélique que chez Hitchcock. Mais chut ! Il ne faudrait pas trop en dire !

Yohan

Extrait :

Depuis ce jour là il l’appelait Eurydice, par jeu. Il n’aurait pas osé l’appeler Madeleine. A cause de Gévigne. Et puis, Madeleine c’était la femme mariée, la femme de l’autre. Eurydice, au contraire, lui appartenait tout entière ; il l’avait tenue dans ses bras, ruisselante, les yeux clos, l’ombre de la mort au creux des joues. Il était ridicule, soit. Il vivait dans un tourment continuel, dans un tumulte d’impressions douloureuses. Peut-être ! Mais il n’avait jamais connu, tout au fond de lui même, cette paix parfaite, cette plénitude de joie où s’engloutissait son proche passé, avec ses peurs et ses remords : il y avait si longtemps qu’il l’attendait, cette jeune femme éblouie ! Depuis sa treizième année. Depuis l’époque où il se penchait vers le cœur de la terre, le pays noir des fantômes et des fées…


D'entre les morts de Boileau & Narcejac - Éditions Folio Cinéma (Livre + DVD)