Situées dans un avenir non déterminé, les 19 nouvelles de ce recueil jonglent en permanence avec l'absurde et la fantaisie : au fil des pages vous croiserez un type condamné à avoir la tête de l'emploi ; un autre obsédé par la cuisson du pain et qui classe en fonction l'humanité en deux catégorie ; des apeureurs et des chasseur ; un vieil homme qui veut attraper des oiseaux ; un autre qui attend que le ciel lui tombe sur la tête. Il y a aussi des triplées qui ont un drôle de rapport avec leurs paires de chaussures, une histoire de querelle de clocher, une interpellation policière qui donne naissance à de drôles de néologismes, une confession à l'église qui a des conséquences pour le moins inattendues etc…

Rien de sérieux dans tout cela mais une apparente volonté de s'amuser et d'amuser son lecteur. Et puis, au milieu de cet univers décalé, certains textes résonnent différemment : de l'envol poétique (Le Magnolia) à l'histoire sordide (Le Bizutage) en passant par la tristesse et l'émotion (Chacun son truc), Jacques Fulgence n'est jamais là où on l'attend. Il tend d'ailleurs quelques pièges à son lecteur et distille ça et là quelques mises en abyme obligeant le lecteur à remettre en question ce qu'il a lu précédemment.

Chez cet éditeur j'ai largement préféré les recueils de Gérard Sire (Contes pour rêver et Papillon de nuit) qui m'ont semblé bien plus aboutis et poétiques. Mais si l'ensemble n'est pas toujours égal, Pour la Saint Ravaillac, avec ses textes très courts (à peine 5 à 6 pages pour la plupart), peut être une lecture divertissante entre deux stations ou deux rendez-vous, histoire de passer le temps agréablement.

Laurence

Extrait de Notre pain de chaque jour :

Je ne pourrais pas m'entendre avec quelqu'un qui aime le pain bien cuit.
Non, je ne pourrais pas.
L'intolérance est un vilain défaut, ce n'est pas moi qui vais dire le contraire. Car je hais l'intolérance de toute mon âme : on m'a vu maintes fois serrer la main à des personnes dont je ne partage pas les idées politiques, tenir la porte battante à un fumeur de cigare, sourire à une dame occupée à faire pisser son yorkshire dans l'ascenseur, ou même, saluer une prostituée ou un militaire de carrière. Mais sur la question du pain bien cuit et du pain pas trop cuit, rien à faire, il me semble qu'il y a là quelque chose de trop essentiel, quelque chose d'inaccessible au raisonnement et à l'exhortation intérieur.
On dit souvent que les gens se classent en deux catégories : sanguins ou mollassons, couche-tôt ou couche tard, carnassier ou brouteurs de salades, et autres principes dichotomiques qui tous relèvent d'une typologie aussi superficielle qu'arbitraire. En vérité, la fracture majeure entre les êtres concerne la cuisson de leurs baguette.


Pour la Saint Ravaillac de Jacques Fulgence - Éditions Le mot fou - 156 pages