L'intrigue se passe à Soissons, en pleine période de vacances scolaires, sous la canicule. Au théâtre de la ville, la troupe de L'Arlequin répète Andromaque de Racine. Pierre Kosta, le talentueux metteur en scène tyrannise ses acteurs. Un matin, il est retrouvé assassiné chez lui par la belle Hélène Brémont, jolie blonde aux formes sculpturales, et surtout Hermione dans la pièce en préparation, accessoirement aussi sa maîtresse.

Le commissariat étant en sous-effectif, c'est au lieutenant Sauvage que l'on confie l'affaire. Malgré des méthodes pour le moins peu académiques, il va tenter avec sa coéquipière de choc, la grande et dynamique Joana, épaulé du jeunot Casse-noisettes (enfin Jules de son vrai prénom, comme le célèbre Maigret), sans oublier son ami médecin légiste allergique aux vacances, de démêler ce sac de nœuds qu'on lui présente.

En effet, l'affaire n'est pas simple. Pierre Kosta est metteur en scène mais c'est aussi un véritable salaud. Elisa Vix révèle la véritable personnalité de Kosta en donnant au lecteur une mesure d'avance sur la police. Elle dévoile les pages du blog que tenait la victime avant d'être émasculée. On découvre donc que tous les membres de la troupe ont un motif des plus sérieux pour vouloir la mort de ce tyran.

Le souci de la police est bien de démêler le vrai du faux dans les déclarations des suspects. Comment croire des gens dont le métier est de jouer la comédie, le drame ? Ne sont-ils pas tous techniquement des menteurs patentés ? Je n'entre pas dans le détail de cette troupe où tout le monde se déteste plus ou moins. Faut pas gâcher le plaisir !

A cette enquête théâtrale, Sauvage doit se débattre avec des soucis d'ordre plus personnels. Il est tiraillé entre une ex-femme qui crise parce que leur fils Victor a été enlevé dans sa colonie de vacances, la disparition de sa mère alors qu'elle était pensionnaire dans une maison de retraite où il se passe des choses pas très catholiques. Il ne faut pas non plus oublier le stress qui le frappe car sa compagne actuelle attend sa délivrance d'une grossesse gémellaire. N'en jetez plus, tout va bien !

Et effectivement, tout va bien pour le lecteur. Cette histoire que l'on pourrait qualifier de rocambolesque tant il se passe toujours quelque chose est un vrai régal à lire. C'est dynamique à souhait, bien relevé, la galerie de portrait des acteurs de cette intrigue vaut le détour. Y en a pas un pour racheter l'autre ! Le tout est très bien écrit, bourré d'humour, d'allusions ou clin d'œil aux maîtres du policier. C'est captivant. On ne veut pas en rater une miette.

Ma plus grosse surprise est d'avoir réussi à trouver l'identité du kidnappeur de Victor, le fils de Sauvage, mais également celle du meurtrier. Ma formation intensive en polars de qualité après les lectures des Sieurs Paul Colize et Hervé Sard, édités par la même maison, a pas mal aidé. Ces lectures vous aiguisent indubitablement votre sens de la déduction et l'intuition. Des idées forcément noires poussent comme des champignons dans votre cerveau. Si vous voulez devenir expert en crimes en tout genre et esprits tordus, vous êtes à la bonne école chez Krakoen. Cet Andromicmac d'Elisa Vix est une fort agréable mise en bouche. C'est machiavéliquement délicieux. On en redemande.

Dédale

Extrait :

Jules Bouteloup s'était engagé dans la police à cause de Starsky et Hutch, enfin surtout Starsky, son préféré.
Pour les poursuites en voiture, la camaraderie virile et les strip-teaseuses.
En ce qui concernait les courses automobiles, c'était plutôt mal engagé vu les charrettes qu'on lui laissait conduire, la camaraderie s'était bornée jusqu'à présent à un bizutage bon enfant et il avait découvert avec consternation qu'il n'avait aucun goût pour les femmes de petite vertu. Malgré tout, la défection du lieutenant était une aubaine pour lui  il allait enfin se frotter à une véritable enquête et, accessoirement la monumentale Joana Sénéchal qu'il observait depuis deux mois avec les yeux émerveillées de la bleusaille, bien qu'elle ne soit son aînée que de trois ou quatre ans.
La jeune femme jouissait dans le commissariat d'une certaine estime : elle avait la réputation de frapper d'abord et de poser les questions ensuite. On la disait particulièrement féroce avec les pédophiles, les violeurs et autres détraqués. De plus elle dégainait aussi vite que Billy the kid et conduisait sa Kawasaki comme un homme. Bref, Starsky… en blonde.
Le lieutenant Sauvage, quant à lui, jouissait dans le commissariat d'un certain dédain : on lui reprochait de travailler quand ça lui chantait, c'est-à-dire de tirer au flanc la plupart du temps, et de ne rendre de compte à personne, surtout pas au commissaire Gorino, son supérieur exécré. Un électron libre, qui, contrairement à Joana, employait rarement la force, par peur de prendre un mauvais coup, et détestait les motos et les armes à feu, trop bruyantes.


Andormicmac de Elisa Vix - Éditions Krakoen - 328 pages