Clément et Hortense viennent d'emménager dans une maison située dans le Sud de la France. Clément est traducteur. Il travaille actuellement sur un ouvrage d'un écrivain qu'il ne connaît pas. Cela le perturbe beaucoup. Hortense s'occupe comme elle peut. Elle nage tous les matins à la piscine de la ville, puis monte au grenier et passe des heures à lire, piochant les ouvrages stockés en nombre. Tous les deux sont séparés par cet escalier menant du premier étage au grenier.
Peu à peu, la maison, l'escalier vont distendre les liens intimes entre Clément et Hortense. Lui perd le sommeil, dérangé par un cauchemar atroce. Elle s'enfonce jusqu'à la délectation, l'extase dans ses lectures très suggestives.
Une nuit, Clément fait une rencontre dans l'escalier enténébré. Au matin, Il retrouve sa femme et leurs liens se renouent en corps à corps voluptueux, submergés du désir retrouvé.
Mais un soir, le cauchemar revient, plus intense. Et tout chavire.
Avec cette histoire très courte, tout est simplement dit. Au début tout en suggestion et puis ensuite de façon plus précise mais si bien amené que l'érotisme, la montée des désirs ne tombe pas dans le pornographique. On est vraiment loin de certains passages que l'on peut lire dans d'autres romans où le sexe est traité comme un passage obligé, une formalité que cela en devient vite abjecte. La rencontre dans l'escalier vous fait monter les émotions et exacerbe les sens par degrés. C'est vraiment bien fait. Il y a en plus une pointe de mystère onirique, de fantastique dans cette nouvelle. De quoi titiller un peu plus les sens, intellectuels ceux-là, du lecteur.
Un jour, un visiteur du Biblioblog se désespérait de ne pas voir la littérature érotique plus développée sur le site. Avec cette nouvelle, voilà de quoi le contenter un peu. A noter aussi qu'elle fait également partie d'un coffret dédié à ce genre littéraire concocté par l'éditeur. Je ne doute pas que ce visiteur y trouvera son plaisir. Pour ma part, peut-être succomberai-je à nouveau. Mystère.
(Autre nouvelle de Claude Chambard : Allée des artistes in Travelling)
Dédale
Extrait :
Ce matin, Clément s'est levé du mauvais pied. Il ne m'a pas dit un mot durant le petit-déjeuner, ni même ensuite. Il est allé chercher son journal et s'est enfermé aussitôt dans le bureau à l'étage. Cette nouvelle traduction semble le perturber beaucoup. Peut-être n'aurait-il pas dû l'accepter. Depuis quelque temps, j'ai l'impression qu'il souffre de plus en plus de ce travail, comme si le miroir de la traduction ne lui renvoyait plus rien.
Je passe des heures dans le grenier envahi de bahuts, de commodes, de tables et de chaises, de malles et de livres. Des livres, de tous formats, de toutes reliures, en tous états, des si neufs encore et si dédaignés que leurs pages ne sont pas coupées, aux épuisés, éclatés, d'avoir été lus et relus, en passant par les défraîchis, gribouillés, annotés, tâchés et les bouffés aux vers, il y en a des milliers, empilés, encaqués, esquichés en tas inégaux, éparpillés de guéridon en canapé, de secrétaire en pétrin. À croire que les meubles amoncelés là ne servent qu'à les héberger. Je me suis trouvée un petit fauteuil près d'une lucarne et, installée à, je lis des heures tandis que Clément, à l'étage en dessous, s'évertue à rendre en français ce qu'il perçoit du travail d'un écrivain qu'il ne connaît même pas. Je crois que c'est cela qui lui manque, le temps de la lecture. Il traduit, il traduit, il traduit mais il ne lit plus.Moi, dans mon grenier, dans ma soupente, dans mon fauteuil moelleux, je me laisse prendre par ces livres, ces pages, ces phrases et ma vie devient un bruissement d'étoffes, de peaux, de douceurs. Je lis : « 'Mon seigneur est content, de la main gauche il tient sa flûte et de la droite il me fait signe pour que je l'invite dans ma petite maison. »
Je lis, je vis.
La rencontre dans l'escalier de Claude Chambard - Éditions de l'Atelier In8 - 33 pages
(Le livre est aussi disponible au sein du coffret érotique, aux côtés de Séraphine la
Kimboiseuse (Jacques Abeille), Notre femme (Alina Reyes), Lettre
à sa complice (Gérard de Loiès))
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