Le petit Tommy, jeune pré-adolescent victime d'une malformation cardiaque, passe ses journée à enregistrer les conversations des adultes sur son lecteur mp3. Sa vie n'est pas des plus heureuses : victime des brimades de ses camarades d'école et incapable d'activités sportives, il occupe la plupart de son temps seul, à jouer avec un ami imaginaire ou à converser sur internet avec un voyageur au long cours. Quand le roman débute, toute la famille est réunie pour un mariage, et comme à son habitude, Tommy est caché sous une table et espionne les conversations. C'est ainsi qu'il va apprendre le terrible secret qui entoure son enfance : sa mère n'est pas morte suite à une maladie. Sa mère s'est suicidée. Pour l'enfant, cette révélation est un véritable cataclysme. Si sa mère l'aimait, pourquoi a-t-elle voulu mourir ? Tommy décide donc de mener l'enquête sans en parler à personne, et surtout pas à Juan, son père.
Il faut dire que Juan semble peu disponible pour les siens tant son métier de chirurgien-cardiaque l'accapare. Oh, ce n'est pas qu'il ne les aime pas, bien au contraire, mais il considère que son rôle de père et d'époux consiste à assurer la tranquillité financière du foyer. Et puis, il est également prisonnier d'une éducation où les apparences sont bien plus importantes que les mots de tendresse échangés. Alma, sa nouvelle épouse, souffre d'ailleurs de ce manque de communication. Elle qui dans son enfance haïssait le comportement volage de sa propre mère, se retrouve à son tour prise dans le tourbillon de l'infidélité.
Petit à petit, au fil des découvertes de l'enfant, la tragédie se noue et les trois protagonistes vont devoir faire face aux conséquences d'un silence devenu trop pesant. L'auteure nous parle de désir, d'amour, de silence et de douleur à travers les monologues et la solitude de chacun. Trois être issus du même noyau, trois êtres qui s'aiment et qui ne peuvent pourtant se dire leurs traumatismes respectifs.
L'écriture de Carla Guelfenbein est extrêmement élégante et sobre, elle évite l'écueil d'un pathos trop gluant et parvient à envoûter son lecteur. La psychologie des personnages est suffisamment subtile pour que l'empathie se fasse sans difficulté et la construction de l'histoire mêle habilement destins individuels et familiaux.
Malgré tout, pour un roman choral, on regrette que chaque voix ne soit pas plus distincte l'une de l'autre et l'insertion de documents iconographiques m'a paru superfétatoire. Enfin, et c'est sans doute le plus gênant, si j'ai réellement aimé cette lecture, maintenant que je recopie ici mes notes prises il y a deux semaines, je réalise que je n'en garde qu'un souvenir assez vague et imprécis.
(D'autres avis dans la blogosphère : Aproposdelivres, Dominique, Clarabel, Saphoo, Bellesahi, L'or des chambres)
Laurence
Extrait :
Peu après, on se retrouve à la cuisine, comme tous les dimanches soir; papa coupe des rondelles de saucisse pour la pizza, Lola nous montre ses dernières pirouettes et moi je la déteste en parlant d'un truc que j'ai vu à la télé ou trouvé sur Internet. Cette fois, j'ai le privilège de pouvoir parler à papa des Faucons et de leurs numéros de voltige : les décrochages, les grands huit cubains, les renversements. Je mime les figures avec les mains pour bien les montrer, mais je vois que papa a l'esprit ailleurs. Mes paupières commencent à s'ouvrir et se fermer sans que je puisse m'en empêcher. Alma lui demande s'il reveut de la pizza et il ne répond pas. Quand papa ne dit rien, c'est comme si soudain quelqu'un éteignait la lumière et laissait tout le monde dans le noir, perdu dans son coin. Voilà pourquoi les silences de papa sont noirs. Les silences blancs, par contre, sont pleins de lumière. Sur une serviette en papier, je dessine un cercle et un carré. Je ne vais pas écrire leur prénom, sinon ils sauraient que j'ai dessiné un silence blanc et un silence noir.
Le reste est silence de Carla Guelfenbein -
Éditions Actes Sud - 315 pages
Commentaires
mardi 22 juin 2010 à 15h27
Voici un joli titre de roman. Il est vrai qu'un joli titre ne suffit pas... mais c'est déjà ça !
mardi 22 juin 2010 à 16h01
Franck : tout d'abord contente de te revoir par ici
ensuite, je suis d'accord avec toi pour le titre (la couverture d'ailleurs, une vraie réussite comme souvent chez Actes Sud). Disons que c'est étrange : j'ai pris plaisir à lire ce roman mais comme une inscription sur le sable, la première vague a tout emporté loin de ma mémoire... :-s
mercredi 7 juillet 2010 à 21h07
Je vais vérifier si je n'ai pas déjà noté sur mon carnet
Sinon, je vous rejoins tous deux. En effet, un très beau titre, emprunté à Hamlet du génial Shakespeare.