Le Capitaine Charles Hunter met sur pied une expédition dans le plus grand secret.
Son objectif, officieusement approuvé par le gouverneur de Port Royal, est la colonie espagnole de Matanceros.
Son but est double :
- Capturer et ramener le galion espagnol qui mouille dans le port de l'île. Hunter est presque convaincu que ses cales sont pleines d'or provenant du pillage des colonies d'Inde occidentale.
- Tuer Cazalla, gouveneur cruel de Matanceros, dont il n'est pas le dernier à réclamer le sang.
La vengeance est une motivation suffisante pour la plupart des hommes, pour les autres, l'or compense l'affaire.
Mais tout ne se passe pas vraiment comme prévu...
Pirates est le dernier roman de Michael Crichton, un romancier qu'il n'est plus besoin de présenter et qui s'est éteint en 2008.
Une fois n'est pas coutume, le maître du Techno-thriller a laissé en héritage dans son ordinateur un roman d'aventure palpitant avec des marins, du sang, de l'or et des filles. Exactement ce qu'il faut pour lire sur la plage cet été
Délaissant l'aspect scientifique habituel de ses récits, nous plongeons avec délices dans un XVIIème siècle plein de bruits et de fureur, où la seule loi qui règne est celle de la survie. Port Royal est dépeinte dès les premières pages pour poser le cadre. C'est une ville riche. Certains prétendaient même que c'était la ville la plus prospère du monde, mais cela ne la rendait pas plus agréable pour autant. Seules quelques rues avaient été empierrées grâce aux pavés embarqués en guise de ballast sur les navires en partance d'Angleterre. La plupart des artères n'étaient que de simples voies boueuses creusées d'ornières, puant les ordures et le crottin, infestées de mouches et de moustiques. Elles étaient bordées de constructions grossières, en brique ou en bois, qui abritaient une succession ininterrompue de tavernes, d'estaminet, de tripots et de bordels où se précipitaient chaque jour un bon millier de marins et autres voyageurs descendus à terre.
C'est une ville dangereuse où les pirates et les corsaires se croisent, se mêlent, voire se cumulent dans le même homme. Car il faut distinguer le pirate du corsaire. Le premier est une fripouille qui attaque pour son enrichissement personnel hors de toute contrainte et de tout contrôle. Le second n'attaque que les ennemis de la nation et partage la prise avec le gouverneur et le roi. C'est un émissaire de Sa Majesté qui aide à faire la loi sur les mers. D'ailleurs, le corsaire à toute latitude pour chasser un pirate...
La force du récit, réside encore et toujours, dans la plume de Crichton. Une plume de cinéma, qui fait vivre sous nos yeux la moindre description, la plus petite action, tout se visualise, s'anime au fur et à mesure de la lecture. Ce roman est un formidable page-turner et on ne se lasse pas de la compagnie de ses mauvais garçons.
D'aucuns ont rapproché cette aventure de l'Arnaque. C'est un excellent parallèle. Mais cette version XVIIème siècle est certainement plus jouissive que l'autre. Avec un équipage de bric et de broc à l'homogénéité douteuse, le Capitaine Hunter part à l'assaut d'une citadelle réputée imprenable et sur laquelle un bataillon entier de pirates c'est cassé les dents l'année précédente. Apparemment la folie est contagieuse car tout l'équipage le suit et va faire en sorte de réussir cet assaut. Parmi les personnalités remarquable, Crichton s'attarde plus souvent sur Lazue, une travestie aux yeux d'aigle qui prend un plaisir pervers à tuer, Enders, chirurgien barbier de son état qui est un as de la navigation. Le seul, nous dit-on, à savoir lire la mer. Viennent également Bassa, le colosse noir muet, Don Diego dit Le Juif, spécialiste en explosifs, et Sanson, le tueur français spécialiste du nettoyage silencieux.
Après quelques recherches, le personnage de Hunter n'a jamais existé. Cependant, il est copié sur la vie et les hauts-faits du capitaine Henry Morgan, pirate redouté qui avec son équipage a accompli des prouesses dans les mers du Sud. Notamment la prise de la citadelle de Panama, réputée imprenable. Crichton s'est directement inspiré de cet événement pour son roman. Cet exploit vaudra à Morgan le titre de héros, l'anoblissement et des terres. Il est un des rares pirates à avoir fini ses jours à terre, riche et respecté, mourant dans son lit.
Pirates est un roman facile et rapide à lire, une aventure étonnante et pleine de rebondissements comme seul Crichton en connaît le secret. C'est un roman à amener dans le sac de voyages, à lire en terrasse en sirotant un bon rhum. C'est un très bon roman de pirates. Malheureusement pour lui, il arrive juste un peu trop tard. Car pour la piraterie, en France, nous avons maintenant Stéphane Beauverger et son Déchronologue et il y a peu de chances qu'il lui vole la vedette. Ne reste plus qu'à attendre le film pour lequel Spielberg a signé les droits...
Bonne lecture !
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Extrait :
Le Juif souleva un petit flacon de verre au goulot étroit.
- Mais avant que vous me jugiez mal, poursuivit-il tout en y versant une poignée de grenaille et quelques fragments de métal, avez-vous entendu parler de la Complicidad Grande ?
- Vaguement
- Mon fil fut accusé d'y avoir participé, expliqua le Juif tout en préparant sa grenade. Il avait abjuré la foi juive depuis longtemps et vivait à Lima, au Pérou, où il prospérait. Hélas, il avait des ennemis. Et le 11 août de l'année 1639, on vint l'arrêter sous prétexte qu'il continuait à pratiquer le judaïsme en secret.
Le Juif rajouta de la grenaille dans la bouteille.
- Il fut accusé de ne pas vouloir commercer le samedi, de ne pas manger de bacon à son petit déjeuner. Considéré dès lors comme judaïsant, il fut torturé. Et quand on lui mit aux pieds des fers chauffés à blanc, il finit par avouer tout ce qu'on voulait.
Le Juif remplit le flacon de poudre à ras bord et le scella avec de la cire.
- Au bout de six mois de prison, il fut brûlé vif avec six autres condamnés. C'est Cazalla qui commandait la garnison chargée d'exécuter cet autodafé. Les biens de mon fils furent confisqués. Sa femme et ses enfants... disparurent.
Le Juif considéra brièvement Hunter et essuya ses yeux larmoyants.
- Je ne vous raconte pas tout cela pour me plaindre. Je veux juste vous faire comprendre pourquoi j'ai fabriqué une telle arme.
Il souleva la grenade et y inséra une courte mèche.
- Vous feriez mieux de vous mettre à l'abri derrière ces arbres, ajouta-t-il.
Hunter obéit et regarda le Juif poser la bouteille sur un rocher, allumer la mèche puis courir vers lui comme un dératé.
- Que va-t-il se passer ? demanda-t-il.
- Vous allez voir, répondit le Juif et il sourit pour la première fois.
Subitement la bouteille explosa, projetant du verre et des éclats de métal dans toutes les directions. Les deux hommes s'aplatirent sur le sol en entendant les projections déchiqueter les feuillages au-dessus d'eux.
Quand Hunter releva la tête, il avait blêmi.
- Bon Dieu !
- Ce n'est pas une arme de gentilhomme ! reconnut le Juif. Elle ne cause vraiment de dommage qu'à ce qui est tendre, comme la chair.
Hunter le dévisagea avec curiosité.
- Mais les Espagnols ont mérité ce traitement, poursuivit Oeil noir. Alors qu'en pensez-vous ?
Hunter réfléchit. Tout son être se révoltait contre cet engin inhumain. Cependant, il partait avec soixante hommes capturer un galion en territoire ennemi. Soixante hommes qui devraient affronter une forteresse défendue par trois cents soldats, sans compter l'équipage du navire qui devait représenter deux ou trois cents combattants de plus.
- Fabriquez-m'en une douzaine. Emballez-les soigneusement pour le voyage et n'en parlez à personne. Ce sera notre secret.
Le Juif sourit.
- Vous serez vengé, Don Diego.
Sur cette promesse Hunter remonta sur son cheval et repartit.
Pirates de Michael Crichton - Éditions Robert Laffont - 301 pages
Commentaires
vendredi 26 avril 2013 à 20h56
excellent a dévorer sans modération