Le destin... ou pire : sa propre famille.
Car Scona est une ville régentée de main de fer par Niessa Loredan, directrice de la Banque Loredan. Près d'elle se trouve Gorgas Loredan, frère indigne et parricide qui tente tant bien que mal de se racheter.
A eux deux, ils gouvernent la ville et ses environs, et mène la vie dure à La Fondation de Shastel, l'île voisine.
Mais voici qu'une guerre larvée entre la Banque et la Fondation éclate.
De nouveau les morts abondent autour des Loredan et Bardas se retrouve mêlé à tout ceci bien contre son gré.
Mais bon, que ne ferait-on pour la famille ?
Le décor est planté et tous les acteurs se mettent en place.
Deux ans après la chute de Périmadeia, les personnages du premier épisode sont de nouveau réunis pour un drame sur fond de crise économique dont l'enjeu, au-delà de l'aspect financier, est le droit de vivre. Libre, si possible.
L'univers s'étend et se complexifie. Les relations commerciales et diplomatiques sont au cœur de ce nouvel opus où les personnages principaux font office de marionnettes entre les mains d'un dieu farceur au sens de l'humour très approximatif. Rien n'est acquis et pourtant l'histoire se déroule, suivant le cours d'un destin au but nébuleux.
C'est d'autant plus remarquable dans les différents combats que livre Gorgas. Ils mériteraient de figurer en bonne place dans les stratégies militaires en terme de guerre d'usure, et aussi sous la mention de guerre tragi-comique. D'ailleurs ces escarmouches sont remarquablement amenées.
Le Principe, cette philosophie magique abordée au premier volume, garde ses mystères. Les praticiens utilisent cette "magie" sans en avoir conscience et sans connaître les résultats de leurs manipulations. C'est sans doute l'un des concepts de magie les plus jouissifs des univers fantasy car justement ce n'est pas de la magie et la pratique de cet art n'amène aucune certitude. C'est un peu comme manipuler le chaos... On ne sait pas ce qui va en ressortir, d'ailleurs ça peut tout aussi bien vous retomber sur le coin de la figure.
La famille, grommela Gorgas Loredan pour lui-même. La famille, c'est le but de la vie, mais il y a des moments où elle complique drôlement les choses.
Effectivement, nous en savons plus sur la famille Loredan. Et de plus en plus cette famille s'apparente à celle des Borgia, dont la renommée teintée de scandale a traversé les siècles (à tort ou à raison). Entre un frère parricide, une sœur cruelle et calculatrice et une nièce folle, Bardas Loredan est bien entouré. D'autant qu'il ne dépare pas dans cette famille comme nous l'apprenons à la fin du volume.
L'ouvrage est toujours aussi bien écrit et l'auteur brosse avec plaisir des tableaux aux décors somptueux. Elle prend également beaucoup de peine dans les descriptions techniques et pour peu que l'on soit curieux, l'imaginaire travaille à plein rendement pour fournir les images. Touche-à-tout elle-même, une note en début d'ouvrage indique que l'auteur a fabriqué presque tous les arcs dont il est question dans l'ouvrage. Hormis, j'espère, le dernier mentionné.
A mesure que j'avance dans ma lecture, je désespère pouvoir la faire partager un jour car même si l'humour n'est pas absent, les situations et le fond de l'histoire sont tellement dramatiques et sanglants qu'il me semble plus sage de réserver ces ouvrages aux lecteurs "avertis". Malgré tout, pour ceux voulant sauter le pas, la lecture est intéressante et agréable, n'étant quelques descriptions sorties tout droit de films d'horreur…
Du même auteur : Les couleurs de l'acier (La Trilogie Loredan Tome 1), La Forge des épreuves (trilogie Loredan tome 3)
Extrait :
Un tic agita la bouche d'Alexius.
- J'ai demandé à un clerc qui travaillait là où on m'a amené s'il pouvait m'indiquer une auberge correcte et bon marché. Je dois dire, à sa décharge, qu'elle est effectivement bon marché.
Gorgas éclata de rire.
- Si vous parlez du Chat Sauvage, rue du Chat, ce serait bon marché si les tarifs étaient divisés par deux. Et c'est bien là que vous êtes installés, hein ? Eh bien dans ce cas, je préfèrerais que vous restiez ici avec nous. (Alexius émit quelques grognements polis.) Non, je vous assure ! Le Chat est une des auberges de la Banque, et je vous promets que vous n'avez aucune envie d'y séjourner. J'enverrai mon fils chercher vos affaires là-bas demain matin.
Alexius décida de ne pas protester. Quelque chose d'indéfinissable le troublait dans cette maison. D'un autre côté, il n'eut aucune difficulté pour trouver de nombreux inconvénients à l'hôtel : des puces jusqu'à la certitude qu'il n'aurait pas assez d'argent pour y rester une semaine.
Ce genre d'inconfort psychologique est difficile à affronter ; mais la perspective de partager mon lit avec la moitié des punaises de Scona l'est tout autant - et je devrais affronter ces dernières dans un délai plus bref.
- Je vous remercie, dit-il. Votre proposition est très généreuse.
- Ce n'est rien, réplique Gorgas en saupoudrant méticuleusement sa coupe de cannelle en poudre avec une petite cuillère pointue. Je ne suis, hélas, pas en position d'affirmer que les amis de mon frère sont les miens, et ce n'est pas par mauvaise volonté de ma part. Le feu vous convient-il ? Vous n'avez pas froid ?
- C'est parfait, je vous assure ! Parfait !
Et je vous remercie de ne pas me faire remarquer que je tremble sans arrêt parce que ce serait embarrassant d'avoir à expliquer que ce n'est pas à cause de la température de la pièce.
- Excusez-moi si ma question vous semble déplacée, continua-t-il, mais n'auriez vous pas pris un peu de poids depuis notre dernière rencontre ?
Gorgas fit mine de se renfrogner.
- Vous êtes un homme cruellement observateur, Patriarche ! soupira-t-il. Pour ne rien vous cacher, j'atteins l'âge où les gestes deviennent moins vifs et le ventre plus rebondi. On m'a affirmé que la maladie était incurable. Mais vous, en revanche, je vois que vous êtes confit de sagesse. Vous resterez sans doute en forme jusqu'à la fin des temps. On raconte que les érudits ne sont disponibles qu'en deux tailles, petits et bedonnant, ou bien grands et maigres. Et que cette dernière catégorie se conserve aussi bien que les bâtons de viande de bœuf séchée qu'on emporte pour les longs voyages.
Un large sourire éclaira le visage d'Alexius.

Le ventre de l'arc (La trilogie Loredan tome 2) de K.J. Parker - Éditions Folio SF - 648 pages
Commentaires
jeudi 17 mars 2011 à 22h45
Il faut en effet saluer les descriptions dans ce tome (et aussi dans le premier, au début, sur tout ce qui concerne la fabrication d'épée).
Cependant, je trouve ça bien trash pour de la fantasy, on sème les cadavres comme des feuilles mortes. Un peu trop sanglant à mon goût !
Quand au coup de tonnerre final (l'arc que reconnaîtront ceux qui l'ont lu), il m'a sérieusement secoué et dégouté, au sens propre. Je crois n'avoir jamais ressenti un tel malaise à lire un livre.