Le narrateur vit avec sa maman dans une HLM d'une banlieue-poubelle : un quartier où les habitants jettent les ordures par la fenêtre, où l'on assiste avec plaisir au spectacle d'un incendie, où tout le monde n'est habillé que de guenilles et se complaît dans la crasse. Pour tous, les fins de mois sont difficiles (comme les débuts de mois en fait), et les menus alimentaires souvent très légers. Mais pour le narrateur, c'est encore pire. En effet, sa mère, pour lutter contre cette pourriture ambiante, est devenue une obsédée de la propreté et de l'apparence. L'habit faisant le moine, elle dépense toute l'allocation de l'aide sociale pour vêtir son bambin des habits les plus chers et les plus élégants. Véritable gravure de mode, le garçon a bien dû mal à s'intégrer dans le quartier et à l'école, où son accoutrement passe pour une véritable provocation. De l'instituteur aux voisins, en passant par les camarades d'école, nul ne semble lui pardonner de renier ainsi son origine sociale. Après tout, un gueux et un gueux, et un gueux habillé comme un prince est un traître. Une dame de l'assistance, prévenue par le directeur de l'école, va remettre de l'ordre dans tout ça, malgré les hurlements de la maman qui ne peux plus jouer à la poupée.

Dans cette très courte nouvelle, Franz Bartelt s'en prend aux préjugés qui ont la vie dure et propose un retournement de situation. Si dans la réalité on a pu croiser des mères se ruinant pour que leurs enfants soient habillés comme les autres, c'est pour permettre à ces derniers de se fondre dans la masse. Ici, les valeurs sont inversées et la mère, en agissant ainsi, marginalise son enfant, le coupe totalement de son entourage. Dans cette citée miséreuse, le pauvre doit ressembler à un pauvre et gare à celui qui voudrait se prendre pour un autre. Pris entre la folie de sa mère et les moqueries de ses camarades, le narrateur semble subir son existence comme une marionnette. Mais puisqu'il s'agit d'une nouvelle, ne vous fiez pas trop aux apparences (justement) et la fin pourrait vous réserver quelques surprises.

Ce huis-clos entre la mère et l'enfant est saisissant de cruauté et de folie. Derrière le miroir de l'apparence, on sent également la prise de position de l'auteur, son refus de l'intolérance et de l'exclusion. J'ai apprécié cette friandise douce-amère : j'ai retrouvé l'humour grinçant de Franz Bartelt et son écriture ciselée. Pour cette nouvelle collection, dirigée par Marc Villard, les éditions de l'Atelier In8, ont soigné comme à leur habitude, la couverture et le visuel. L'objet en lui même est assez réussi. Malheureusement, et malgré toutes ces qualités, le prix de l'ouvrage (12 €uros) reste un frein pour un texte si court.

(ailleurs dans la blogosphère : l'avis de Anne-Sophie)

Du même auteur : La belle maison, Le bar des habitudes, Je ne sais pas parler, Le jardin du bossu

Laurence

Extrait :

En effet, j'ai beaucoup souffert d'être trop bien habillé dans un quartier où il était naturel d'aller en loque. On m'a toujours observé comme une bête curieuse.
A l'école, j'étais la cible désignée. Les autres m'attaquaient sournoisement. Je ne compte pas les surnoms dont on m'a affublé. Ma première institutrice ne s'est jamais remise d'avoir comme élève un garçon de piste: veston rouge à brandebourgs et galons dorés, pantalons collant, le cheveux coiffé à la Jeanne d'Arc, les doigts bagués. Elle ne pouvait me voir sans être prise d'une envie de rire.

Parures
Parures de Franz Bartelt - Les Éditions Atelier in8 - 65 pages