Quelques années ont encore passé et Bardas Loredan devient une nouvelle fois héros malgré lui.
En récompense, on l'envoie à la Forge des Épreuves, lieu infernal où l'Empire fabrique ses armures.
Tous les acteurs des épisodes précédents sont présents pour l'hallali final, chacun ayant créé sa vie, s'étant fait une raison, survivant tant bien que mal.
Les réseaux d'entente et d'amitié se sont renforcés et le Principe continue de malmener les hommes.

Ce troisième et dernier opus annonce énormément de choses mais tient assez peu de promesses.
En réalité, on se lasse de voir pour la troisième fois le même schéma narratif utilisé avec peu ou prou les mêmes éléments.

L'intérêt vient de l'aspect technique, très documenté, sur les objets. Après la fabrication des épées et celle des arcs, l'auteur s'attaque avec bonheur à l'art de faire une bonne armure et nous l'explique clairement. Pour le lecteur avide d'apprendre, pour celui que les univers médiévaux intéresse ou pour avoir simplement une vague idée de comment tout ceci se fait, c'est tout bon. Autre lecteur, passe ton chemin... L'intrigue perd tout intérêt à mesure que l'histoire se déroule et les relations familiales qui sous-tendent tous les rapports géopolitiques de l'univers deviennent abracadabrantesques. On n'arrive plus à y croire et c'est bien dommage. D'ailleurs, on ne croit même plus à cette famille de fous. On atteint ici le stade du "trop, c'est trop".

Pourtant, la langue et la plume restent séduisants. L'humour est plutôt présent ici, contrairement aux autres volumes, mais c'est un humour cynique, presque froid. Et j'avoue avoir complètement décroché de l'enjeu politique et économique mis en place par l'auteur. Ces aspects là me sont étrangers en temps réel, alors en plus dans un univers imaginaire, je dois confesser n'avoir fait aucun effort pour tenter d'y voir plus clair...

Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur cet ouvrage final qui clôt bien pauvrement une trilogie qui avait de nombreuses qualités au départ.
Cependant, ça reste un cycle à lire, ne serait-ce que par curiosité, et certainement que d'autres y trouveront leur compte là ou j'ai lamentablement pataugé...
Ceci dit, je n'ai aucun regret et je passe avec plaisir à autre chose.

Du même auteur : Les couleurs de l'acier (La Trilogie Loredan Tome 1), Le Ventre de l'Arc (La Trilogie Loredan Tome 2)

Cœur de chene

Extrait :

- Pourquoi voudrait-il faire la guerre au peuple des plaines ? Il les a aidés à détruire Périmadeia.
- Ah ? (Iseutz hocha la tête) C'est une bonne question, mais si vous aviez été attentif, vous auriez trouvé la réponse tout seul. Sa trahison envers la Cité est une des raisons pour lesquelles Bardas le déteste autant ; alors, il pense que s'il combat le peuple des plaines et tue Temrai, il se rachètera aux yeux de son frère. En même temps, il vous fera plaisir à vous, et s'il tient vraiment à rester roi du Mesoge, il va avoir besoin d'alliés - tels que vous, par exemple. Mais les considérations politiques ne sont que des à-côtés. C'est Bardas qui lui importe le plus. Et c'est en fonction de lui qu'il mène sa vie - quand il n'est pas aux ordres de ma mère.
Le colonel Abrain fronça les sourcils.
- Expliquez-moi.
- Il y a deux personnes qu'il a fait souffrir plus que les autres. Enfin, trois pour être précise. Ma mère, Bardas et moi. Dans cet ordre. Alors il essaie de se racheter à nos yeux depuis. Il a permis à ma mère de jouer les dieux tout-puissants à Scona, il va tuer Temrai pour Bardas et… eh bien nous parlerons de mon cas plus tard. (Elle bâilla et s'étira comme un chat.) Vous savez, si vous étudiez la nature humaine, oncle Gorgas est une pièce de collection. Soit c'est un démon qui passe sa vie à essayer de remplir ses devoirs familiaux en assurant les intérêts matériels des membres de sa famille, soit c'est un saint qui a commis un crime impardonnable. Ou les deux en même temps. Comme je vous l'ai déjà dit, il estime qu'il a une dette énorme envers ma mère, parce que c'est elle qu'il a le plus fait souffrir - en dehors des gens qu'il a tué, bien sûr, mais comme ils sont morts, il ne peut plus rien pur eux. Cependant, c'est Bardas auquel il tient le plus.
- Bien qu'il ait assassiné son fils ?
Iseutz haussa les épaules.
- Oncle Gorgas a un pouvoir de pardon infini. C'est un élément qui va à l'encontre de la théorie du démon, tout comme sa trahison envers Périmadeia et le massacre subséquent vont à l'encontre de la théorie du saint. Nous sommes une famille de gens compliqués, nous autres, les Loredan. On pourrait presque dire que nous ne causons que des ennuis, mais ce n'est pas tout à fait vrai.

La forge des épreuves
La forge des épreuves (La Trilogie Loredan Tome 3) de K.J. Parker - Éditions Folio SF - 698 pages