Machin - puisque ne se souvenant jamais de son prénom ses amis l'appellent ainsi - redoute plus que tout l'effort physique et toute entreprise qui l'obligerait à sortir de sa tanière. La recherche d'un emploi est donc pour lui totalement exclue. Imaginez-donc : envoyer des cv, se présenter à des entretiens d'embauche pour exprimer une quelconque motivation, voilà qui demande une dépense d'énergie bien au-delà de l'acceptable. Il passe donc ses journées affalé dans un canapé à écouter de la musique ou à regarder des matchs de foot. Notre narrateur va cependant bientôt être rattrapé par la réalité (financière) et devoir, comme tout un chacun, décrocher un emploi.
Fin juin, le billet d'Antoine m'avait réellement donné envie de découvrir ce premier roman qu'il présentait comme un récit amusant et intelligent. Las, je ne partage finalement pas son point de vue. Pour commencer, la construction en très courts chapitres (2 à 3 pages maximum) et la pauvreté du style freine la fluidité du récit. Je n'ai malheureusement que très rarement souri et cherche encore où se cache l'humour. En effet, le narrateur, plus qu'un être doué d'auto-dérision, m'a semblé fat et incohérent : ce n'est pas une philosophie de la paresse qui est mise en avant ici (quelle énergie dépensée pour ne pas travailler !), ni même la chronique d'une génération sacrifiée, mais l'histoire d'un type qui cherche par tous les moyens à prouver qu'il nage à contre-courant, qu'il ne se mêle pas au commun des mortels. Sur une centaine de pages cela aurait pu peut-être me plaire, mais j'ai trouvé ces trois cents pages horriblement longues et fastidieuses : que de digressions, de répétitions et d'atermoiements inutiles… Antoine parlait d'une vision assez réaliste de notre société dans laquelle il est parfois impossible de trouver un emploi même pour les plus motivés. Mais Machin est justement le contre-exemple de tous ces jeunes actifs qui cherchent réellement un emploi ; ce récit donne donc une image totalement biaisée de cette génération mais aussi de ce qu'est l'âge adulte. Heureusement, pour nombre d'entre-nous (et quelque soit l'âge), trouver un emploi n'implique pas forcément qu'il faille renoncer à ses rêves.
Sur la thématique de la recherche d'emploi au sortir de ses études, je vous invite plutôt à lire Les tribulations d'un précaire, de Ian Levison. Ce récit, mettant en scène les déboires d'un jeune diplômé de littérature à la recherche d'un emploi, est à la fois bien plus drôle et réaliste que celui de Romain Monnery.
Laurence
Extrait :
Peu habituée à ce mode de vie qui consiste à se lever dans l'attente d'être assez fatigué pour se recoucher, ma mère me pria d'aller voir ailleurs si le travail y était. travailler, j'avais essayé le temps de quelques jobs d'été mais, sans que je comprenne pourquoi, l'idée de me payer à ne rien faire n'avait jamais plu à mes patrons. Je les avais laissé dire. Après tout, c'était leur affaire.
Heureusement, je ne courais pas après l'argent. Mon système monétaire était le sommeil et quand je comptais mes siestes en fin de mois, je me voyais millionnaire.
Libre, seul et assoupi de Romain Monnery - Éditions Au Diable Vauvert - 290 pages
Commentaires
samedi 11 septembre 2010 à 09h13
Assez d'accord avec toi, Laurence (ai trouvé que le style était vraiment "dans la posture", une façade, un genre qu'on se donne. Un peu vain en somme)
samedi 11 septembre 2010 à 11h39
Cet auteur, et plein d'autres, est dans ma ville aujourd'hui... elle me plaisait bien cette histoire de Tanguy... je vais au moins discuter avec lui, il saura certainement me convaincre !
dimanche 12 septembre 2010 à 08h53
cjeanney : ah, tu me rassures, ce n'est pas moi qui suis totalement hermétique à "l'humour" de cet auteur. Je n'ai pas vu de billet concernant ce roman sur ton site. Comptes-tu en faire un ?
Ys : alors ? Convaincue ou non ?
dimanche 12 septembre 2010 à 09h00
non, j'aime bien rendre compte des livres auxquels j'adhère (plaisir égoïste)
mardi 14 septembre 2010 à 19h02
je viens de le terminer (& encore remercions l'insomnie qui m'a tenue eveillée sinon j'aurai abandonné avant la fin) & je n'ai vraiment pas du tout accroché, seuls peu d'ecrivains peuvent se permettrent de tout miser sur leur style au détriment de l'histoire & de la construction.
jeudi 16 septembre 2010 à 12h33
Et bien moi j'ai beaucoup aimé et j'ai beaucoup ri ! J'aime cette éloge de la paresse, je m'y suis parfois retrouvée !
C'est une manière drôle de parler de certains problèmes d'aujourd'hui ! Si Machin est le roi des fénéants, Romain Monnery n'en dépeint pas moins certaines des difficultés auxquelles est confrontée la jeune génération.
Avec humour, tendresse, cynisme. Un vrai moment de bonheur !
jeudi 16 septembre 2010 à 20h27
Fanny : je suis sûrement encore plus dure que vous car pour ma part je cherche encore le style...
Stéphanie : votre commentaire est le bienvenu, et il est toujours bon d'avoir des sons de cloches différents. Espérons donc pour l'auteur que les contentés seront plus nombreux que les déçus.
vendredi 24 septembre 2010 à 11h44
Comme quoi, tous les goûts sont dans la nature
C'est peut-être le fait que je sois jeune diplômé et en recherche d'emploi qui m'a fait apprécier ce livre. En tout cas lorsque je parlais de la vision assez réaliste de la société, je ne parlais pas tant de Machin mais plutôt de ses amis pour qui, malgré plusieurs stages ne trouvaient que le chômage à la clef.
Aujourd'hui, par exemple, l'APEC propose sur son moteur de recherche plus d'offres de stage que d'offres d'emploi pour jeunes diplômés. Les stagiaires sont devenus une main d'oeuvre pas chère et bien pratique et je trouve que ce livre le montre assez, avec un humour et un cynisme qui m'ont beaucoup plu.
Si ça peut t'intéresser, Romain Monnery avait accepté de répondre à quelques questions sur mon blog : http://art.souilleurs.free.fr/livre...
dimanche 2 janvier 2011 à 16h30
J'ai adoré ce livre, un pur régal !