Tout commence dans le nid douillet du ventre maternel, quand les couleurs perceptibles se déclinent dans un camaïeux de rouge. Vient ensuite le grand saut, l'arrivée au monde, les premiers étonnements, les peurs, les joies et cette soif de savoir inextinguible.
Raconter la prime enfance à travers la voix d'un nourrisson est évidemment une entreprise très risquée. On sait combien il est difficile de trouver cet équilibre précaire entre vraisemblance et fluidité de la narration. Isabelle Cousteil a clairement opté pour un langage adulte, soigné, poétique. L'enfance se trouverait donc dans les sensations et la perception du petit narrateur. Voir le monde et les adultes à travers le regard d'un tout-petit ; s'amuser de nos paradoxes d'adultes parfois bien incompréhensibles pour nos bambins. On aurait pu craindre le pire (un récit bêtifiant, un langage d'enfant artificiel…) mais Isabelle Cousteil évite les croque-en-jambes avec habileté. Peut-être, justement, parce que le lecteur n'est jamais dupe et que derrière l'alibi du petit loup, on sent avant tout l'amour incommensurable d'une maman pour son enfant.
Quand les loups avaient des plumes n'est pas le journal intime d'un garçonnet de 5 ans, mais bien l'admiration et l'amour d'une maman qui emprunte le temps d'un récit, la voix de son chérubin. On reconnaît à travers les anecdotes, toute l'ironie et l'auto-dérision d'une mère attentive aux moindres réactions de la chair de sa chair. Et c'est sans doute dans cet exercice d'auto-critique et de mise en abîme que le récit d'Isabelle Cousteil parvient à émouvoir le lecteur-parent qui reconnait son propre vécu.
(D'autres avis, ailleurs dans la blogosphère : Sylire, Lucie, Anne, Clara, Gwen, Antigone)
Laurence
Extrait :
AN I - 280E JOUR
On a jugé utile de m'équiper ce matin d'une prothèse appelée «trotteur», tenant plus de la chaise percée que de la chaise à porteur. Je râle pour le principe. J'en découvre néanmoins rapidement l'une des principales vertus cachées. Le trotteur est certes un outils d'apprentissage mais surtout une diabolique auto-tamponneuse. Je peux, en prenant mon élan, sans risque de froisser ma fragile carrosserie, emboutir à vive allure les meubles du salon, rebondissant de l'un à l'autre dans un fracas grisant.
AN I - 290E JOUR
Finis les carambolages, exit Schumacher en barboteuse. La censure parentale a frappé eu égard aux dommages collatéraux. On m'a dételé.
Vais-je me lancer seul, sans béquille ni filet ? J'en rêve ; je n'ose.
Quand les loups avaient des plumes d'Isabelle Cousteil - Éditions Triartis - 120 pages
Commentaires
mardi 19 octobre 2010 à 19h24
Je partage ton ressenti sur ce livre et je suis ravie de voir qu'il fait son petit bonhomme de chemin dans la blogosphère.
vendredi 22 octobre 2010 à 08h01
Sylire : j'avais lu ton billet à l'époque et cela m'avait donné envie. Et puis l'occasion s'est présentée. C'est une jolie découverte.