Mariée à 15 ans à cet homme beaucoup plus âgé qu'elle, elle est d'abord aveuglée par l'amour qu'elle lui porte : elle accepte tout, ses maîtresses, les enfants illégitimes qu'il sème à tous vents et lui amène, et surtout son goût démesuré de la politique et du pouvoir qui le poussent à de multiples crimes et exactions. Puis, peu à peu Catalina prend ses distances avec cet homme brutal et dévoré d'ambition, notamment grâce à sa rencontre avec un jeune musicien idéaliste - l'exact opposé de son mari - mais qui sera rapidement éliminé par ce dernier. Catalina ne sera vraiment libérée qu'à la mort du général, presque arrivé au pouvoir suprême, mais dont la chute n'est que plus brutale.
L'histoire est d'abord le portrait d'une femme lucide et sans complaisance vis-à-vis d'elle-même et des autres ; attachante dans ses doutes et ses contradictions, et qui peu à peu prend le contrôle de sa vie. C'est aussi le portrait d'une société machiste où les femmes sont réduites à l'état d'objets de décoration, corrompues, et où les nouveaux maîtres, les vainqueurs de la Révolution, se disputent férocement le pouvoir aux dépends des éternels sacrifiés au nom desquels la révolution avait été faite.
Ce qui fait la force de ce roman, c'est qu'il est vécu de l'intérieur, à partir de l'expérience de Catalina. L'écriture d'Angeles Mastretta épouse étroitement le cheminement de son héroïne. On est alors loin du style baroque des écrivains latino-américains connus - même si le baroque se retrouve souvent dans les situations -, mais le style percutant et efficace de l'auteur, assaisonné d'une bonne dose d'ironie, d'humour (noir bien sûr !) et de poésie, fait souvent mouche. Voilà donc un livre que j'aime beaucoup et un auteur à découvrir. Un regret : le titre français, à prendre au second degré, certes plus explicite pour le lecteur, est fade comparativement à la violence du titre espagnol.
Marimile
Extrait :
Cette année-là il s'est passé bien des choses dans ce pays. Entre autres, Andrès et moi nous nous sommes mariés. J'avais fait sa connaissance dans un café sous les arcades. Ça ne pouvait être guère ailleurs puisque à Puebla tout se passait sous les arcades : depuis les fiançailles jusqu'aux assassinats, comme s'il n'y avait pas d'autres endroits. Il avait alors plus de 30 ans et moi moins de 15 J'étais avec mes soeurs et leurs fiancés quand nous l'avons vu s'approcher. Il a dit son nom et s'est assis pour bavarder avec nous. Il m'a plu. Il avait de grandes mains et des lèvres qui faisaient peur quand il riait comme s'il avait eu deux bouches. Après quelques minutes de conversation ses cheveux se décoiffaient et lui tombaient obstinément sur le front, et avec la même obstination il les ramenait en arrière d'un geste qu'il garderait sa vie durant. Il n'était pas ce qu'on peut appeler un joli garçon. Il avait des yeux trop petits et une bouche trop grande, mais je n'avais jamais vu des yeux aussi vifs et je ne connaissais personne d'une telle assurance.
L'histoire très ordinaire de la générale Ascencio d'Angeles Mastretta - Gallimard collection « Du monde entier » - 291 pages
Traduction du mexicain par Michel Bibard
Commentaires
vendredi 22 octobre 2010 à 07h55
Merci Marimile pour ce premier billet sur le Biblioblog !!
En espérant qu'il donne envie à nos lecteurs de découvrir cette auteure mexicaine. 
vendredi 22 octobre 2010 à 16h54
C'est tentant ! J'ajoute ce livre à ma liste !
dimanche 24 octobre 2010 à 10h19
Que je suis contente de lire ce tout premier billet, Marimile
Merci de nous offrir ainsi d'autres horizons littéraires.
mardi 2 novembre 2010 à 17h04
Merci Marimile de m'avoir fait découvrir ce livre que j'ai lu avec plaisir. Mais je ne retrouve pas dans le texte la force que laissait espérer le titre espagnol.
mercredi 3 novembre 2010 à 09h11
C'est vrai, Rose ! Le titre espagnol est violent. la distance de la narratrice vis à vis de sa propre histoire et des faits terribles qu'elle raconte en affadit peut-être la portée. Que penses-tu du titre français ?
mercredi 3 novembre 2010 à 10h47
Je ne l'aimais pas au départ, mais à la réflexion je me dis qu'il correspond mieux a l'ambiance du roman que le titre espagnol. Et dans ce cas là j'ai toujours envie de relire le roman en V.O parce qu'un affadissement dû à la traduction est toujours possible. Et en disant ça, je ne veux pas jeter la pierre aux traducteurs, je sais à quel point ce métier est presque impossible.
mercredi 3 novembre 2010 à 16h46
Je n'ai pas eu le texte en v.o sous les yeux ,sinon j'aurais comparé bien sûr ! mais il n'est pas toujours facile de se procurer l'original.Traduire un texte c'est passionnant, mais comme tu le dis, c'est souvent mission impossible, je suis en train de le vérifier en ce moment!
jeudi 24 février 2011 à 16h28
Al'adresse deCoach7store qui écrit:"wisdom in the mind is better than money in the hand", Traduction, please!Ceci à propos de la générale...