Claire Auzias connaît bien l'univers des Roms, puisqu'elle y a déjà consacré plusieurs ouvrages. Ici, en quatre chapitres, elle donne les grands éléments fondateurs de l'identité rom. Le premier chapitre est consacré à l'origine de ce peuple. Venu d'Inde, on ne sait pas grand chose des origines du peuple : les raisons de leur départ, la date précise de celles-ci restent inconnues. Les recherches historiques fournissent des informations plus précises à partir du Moyen-Age, puisqu'on parvient ensuite à suivre le parcours des Roms, en particulier en Europe. Mais la légende n'est jamais loin qu'elle soit persane au Moyen-Age ou qu'elle parle des Roms comme des membres de la garde du roi de Bohême, d'où leur appellation de "bohémiens" en France.

Le second chapitre est d'ailleurs consacré à l'histoire de la dénomination de Roms. Car si les termes de roms, tsiganes, gitans, bohémiens... sont souvent utilisés de manière indifférenciée, chacun a sa raison d'être. Certains sont liés à un territoire particulier, comme les Gitans qui ne sont présents qu'en Europe du Sud. Ou leur origine, comme les manouches, roms originaires d'Allemagne et arrivés en France. Claire Auzias expliquent que le choix de ces différents termes n'est pas neutre, car en politique, nommer, c'est classer, différencier. Mais si les noms différent, elle est convaincue que la culture rom existe, et qu'il faut donc se placer dans ce contexte, qu'on parle des Gitans, Manouches ou Tsiganes.

L'auteur aborde ensuite des thèmes politiques, qu'ils soient historiques comme l'esclavage et l'extermination dont furent victimes les roms, ou actuelles, concernant l'intégration des Roms dans les sociétés occidentales. Claire Auzias semble avoir un regret, dans ce qu'elle expose : que les Roms ne se soient pas pleinement emparés de leur histoire, de leur représentation politique. Il ne sera pas possible qu'ils soient pleinement intégrés s'ils ne font pas le choix de s'intéresser eux-mêmes à ce qui les touche. Car si les Roms sont théoriquement protégés contre les discriminations, cela n'est dans les faits pas le cas. Et ils ne pourront sortir de la vision que les dominants ont d'eux qu'à condition de s'approprier la construction de cette vision. Processus en cours, mais qui n'a pas encore abouti.

Cet essai est court, et ne permettra pas de découvrir en profondeur l'histoire et les problèmes actuels des Roms. Mais il constitue une très bonne introduction, et a le mérite de fournir une bibliographie qui devrait assouvir les envies de découvertes de chaque lecteur.

Yohan

Extrait :

Que faire et comment faire entre la civilisation romani et l'administration occidentale ? La civilisation romani a pour caractéristique de se maintenir au sein des sociétés dominantes. En clair, les Roms sont, et Roms, et citoyens de plein droit théorique des pays où ils vivent. Ils sont, et Roms, et de nationalité française. Ils parlent les langues des pays où ils vivent et dans certains cas, ils ne parlent plus que les langues des pays où ils vivent, s'ils sont issus de lignées qui furent fortement persécutées. La perte de la langue, ou son maintien, sont des indicateurs de l'adversité traversée par les groupes roms. En Espagne, il leur était interdit de parler le romani et on leur coupait la langue pour ce "délit".

Roms, Tziganes, Voyageurs, L'éternité et après ?
Roms, Tsiganes, Voyageurs, l’éternité et après ? de Claire Auzias - Éditions Indigène - 32 pages