Djeeb arrive à Port Rubia après avoir quasiment détruit par le feu la ville dans laquelle il se trouvait à l’épisode précédent, ceci pour les yeux d’une jeune fille qu’il laisse dans un couvent. Suite à une séries de quiproquos divers et variés auxquels se trouvent mêlés successivement, un mari et sa femme, une équipe de dockers, des humains vivant dans des arbres et des cavernes, un mystérieux individu semblant jouir d’une technologie bien supérieure au monde de Djeeb, et un artefact plutôt terrifiant, il va, par hasard, plus ou moins sauver le monde ou le condamner, on ne sait pas trop.
Ce résumé lapidaire ne vous gâchera pas le plaisir de la lecture, rassurez-vous. Sans être mauvaise, l’intrigue n’en est pas moins assez légère, comme dans la plupart des œuvres du genre space/opera - heroic fantasy. En fait, comme souvent dans ce type d’ouvrage, on saute de péripéties en péripéties, parcourant le monde sur les talons du héros, sans vraiment saisir le fil conducteur.
Laurent Gidon fait de belles descriptions, imagées mais pas trop détaillées, ce qui laisse de la place pour l’imagination du lecteur. La plume est truculente par moment, humoristique à d’autres, avec, hélas aussi, des moments où l’on perd le fil - notamment dans les descriptions des diverses tentatives artistiques de Djeeb, dont on ne sait trop si c’est du lard ou du cochon et qui nous laissent sur notre faim…
L’ensemble est amusant, bien écrit et prometteur si l’on sait que l’auteur est jeune en littérature. D’aucuns tendent à le qualifier d’héritier de Jack Vance et je trouve cela un peux exagéré. Certes la plume et bonne, les idées amusantes et foisonnantes, mais il manque un petit quelque chose à cet ouvrage pour en faire un livre « excellent ». Au fur et à mesure, on est balloté de rebondissements en coups de théâtre, pas emporté, juste balloté. Il manque comme un vent d’épopée aux aventures de Djeeb, une impulsion héroïque qui nous sortirait de cette sensation confuse d’assister à l’ascension imméritée d’un sale gosse.
Heureusement, comme je le disais plus haut, Laurent Gidon est un nouvel auteur qui n’a, en tout et pour tout, que 3 livres à son actif. Il a donc tout le temps de porter à maturité le talent que l’on sent derrière les erreurs de jeunesse et le gars pourrait bien nous épater dans l’avenir.
Djeeb l’encourseur n’en reste pas moins un bon livre de jours pluvieux ou de bord de mer, agréable, bien écrit et dépaysant.
Hugues
Extrait :
En termes de stupéfaction, le public resta modeste. Au lieu de l’ovation attendue, personne n’eut même un soupir. On ne le regardait déjà plus. Les hommes retournaient à leurs occupations, les enfants à leurs jeux. Pas déçus, juste indifférents. Soudain, Anthorn apparut à ses côtés sur la scène. Surpris par cette vivacité de déplacement, Djeeb se laissa tomber sur les fesses, ses pierres de jongles roulant au bas du bloc.
- C’est rigolo, ton truc, lâcha Anthorn sans ironie perceptible. C’est pas vraiment ce qu’on appellerait se bouger par chez nous, mais ça a un genre.
Tout en parlant, le vieil homme avait tendu la main et sauté légèrement pour attraper une sorte de liane pendante, rattachée à la voute, loin au-dessus. Il balança ses jambes en l’air et fit une volte autour de son bras, suffisamment vite pour en perdre son bonnet tout en gardant sa chasuble plaquée sur ses membres. Puis il se relança, encore, et encore, la liane enroulée à son bras l’élevant dans les airs à chaque tour.
- Remarque bien, à Calderia on s’amuse de ce qu’on fait, pas de ce qu’on montre. regarde-les, là-haut, dans les cintres, tu les vois ? ajouta-t-il en désignant du menton les trapézistes fous qui dansaient dans le réseau de cordage. Pas du spectacle, que c’est : juste du jeu, pour le bon des sensations. Alors, c’est vrai, ton truc t’a fait plaisir, mais nous, on a rien senti grand-chose..
Djeeb l'encourseur de Laurent Gidon - Éditions Mnémos - 240 pages
Commentaires
samedi 13 novembre 2010 à 14h28
Auteur a suivre.
samedi 13 novembre 2010 à 14h59
Merci pour cette lecture fine et précise de mon petit Djeeb 2. Que vous l'ayez trouvé agréable me ravit. Que vous ayez la patience d'attendre mon éventuelle maturité aussi. Sur ces encouragements, je vais tâcher de faire au moins aussi bien par la suite.
En revanche, je renonce à épater avec "comme un vent d’épopée" ou plus "d'impulsion héroïque" et compte bien résister aux sirènes de l'aventure formatée. Djeeb est un personnage, pas un héros. Je vais juste continuer à le laisser expérimenter en contrebande certaines façons moins conventionnelles de vivre et voir le monde. ce qui peut d'ailleurs fournir une sorte de fil conducteur...
(un détail toutefois : avais-je vraiment laissé autant de fautes dans l'extrait que vous avez cité ?)
samedi 13 novembre 2010 à 15h11
Hugues : merci pour ce billet. Depuis le temps que Cœurdechene nous avait promis un billet sur Djeeb, je commençais à désespérer.
Bonjour Laurent, et merci de votre passage ici. Pour les fautes dans l'extrait, je vous présente toutes nos excuses et nous les corrigeons au plus vite.
samedi 13 novembre 2010 à 15h14
L'auteur n'avait-il pas fait un court passage sur monopole noir à l'époque, ou ma mémoire me fait défaut ?
samedi 13 novembre 2010 à 15h21
Laurence : je crois bien que Gaby a déjà fait un papier sur le Djeeb par ailleurs. Pour les fautes, j'ai eu tellement de déboires concernant les coquilles à l'impression que je me demande quand j'en vois si elles sont de mon cru.
Flo : mémoire sans défaut. C'est le temps qui est long.
samedi 13 novembre 2010 à 16h02
Ah ben là, c'est moi qui ai la mémoire qui flanche et qui m'en veux... J'y ai pourtant sacrément traîné mes guêtres sur Monopole noir...
Quant à Gaby, il a commis son billet hors du Biblioblog, cet affreux !
samedi 13 novembre 2010 à 18h28
Je suis en retaaaard ! Je n'ai lu que le premier Djeeb, et comme il a été dit "auteur à suivre" et surtout à connaitre de toute urgence pour les amateurs !
dimanche 14 novembre 2010 à 13h05
@Laurent: Je crains bien être en partie responsable des coquilles de l'extrait, j'ai une fâcheuse tendance à être en désaccord avec mon clavier de manière assez récurrente!
Pour le reste de ma critique, elle est sincère, mais reste subjective. Je pense réellement ce qui est écrit, y compris au sujet de votre talent qui selon moi peut encore croître. Je ne sais plus qui, a la question "quel est votre meilleur roman?" répondait constamment "le prochain!". Je pense que cela s'applique à vous!
Pour le "vent d'épopée", c'est une question de goût. Disons que l'essence de mon commentaire réside dans le fait que, d'après moi, vous avez une forte marge de progression pour donner votre pleine mesure!
Mais, merci de votre visite, il est toujours agréable d'avoir le feedback de l'auteur sur un billet et de voir que ce que l'on a écrit à été bien perçus dans ce qu'il peut avoir de constructif et de bienveillant.
@ Laurence : Oui, j'ai pris la peine de contacter Gaby pour lui demander si ça l'ennuyait que je fasse ce billet sur biblioblog, vu qu'il m'avait parlé de Djeeb avec un enthousiasme communicatif. Il avait effectivement fait un billet sur le premier tome. Il m'a donné son accord avec joie, j'espère qu'il ne le regrette pas.
@ AcrO : oui! Tout à fait! Laurent Gidon est un auteur à suivre et à encourager, je l'ai déjà dis et le maintient.
Je suis parfois exigeant, mais c'est uniquement avec les gens que j'estime capable de plus, à tort ou à raison. Je me suis fixé comme étique de ne poster de billet que si j'ai quelque chose de constructif à dire, je compte bien m'y tenir.
lundi 15 novembre 2010 à 08h48
Ah ben bravo !
Je pars un WE loin de l'ordi et voilà que l'on parle de moi
Et en termes peu flatteurs encore (comment ça, "cet affreux" ???)
En tout cas, merci pour cette chronique et je confirme, Laurent est un auteur à suivre.
Et effectivement, Hugues m'avait contacté pour pouvoir écrire lui-même la chronique de Djeeb. Du coup ma critique est sur un autre site bien connu
lundi 15 novembre 2010 à 11h07
Cœurdechene : mouais... mais il nous manque toujours la chronique du premier tome
