Blacksad, est un ténébreux félin, désabusé de tout. Certains y verront un chat, pour ma part, je lui trouve des airs de ténébreuse panthère. Dans cette série zoomorphique, tous les personnages sont des animaux vivants dans une société très années 50. Le héros est un détective privé ressemblant fort à Philip Marlowe. Y a du Bogart dans ce matou, de l'impert jusqu'à la façon de fumer sa cigarette. Vous aurez compris que l'univers de Blacksad est celui du polar, du vrai polar noir. « Black is black ».

Cette fois-ci, Weekly, l'acolyte journaliste de John Blacksad, a trouvé une enquête pour son copain hors de sa New-York adorée. Blacksad se transporte à la Nouvelle Orléans et l'enquête baigne dans une ambiance très jazzy, pleine de mystères, entre rites vaudou et liesse de mardi gras. Faust Lachapelle est un célèbre producteur de jazz. Il est à la recherche du génial pianiste, malheureusement junkie, Sebastian « Little Hand » Fletcher, qu'il estime comme un fils. Lachappel est atteint d'un cancer, il veut mettre en ordre toutes ses affaires avant la fin. Mais si tout le monde a croisé Sebastian dans les cabarets ou les rues de la ville, personne ne sait où il se trouve réellement, même pas Hannah, son épouse enceinte et abandonnée depuis plusieurs mois. De plus, Blacksad est confronté à un concurrent peu respectueux de l'éthique de la profession et qui semble vouloir lui mettre des bâtons dans les pattes. Sans oublier aussi le peu de coopération de Thomas, le fils de Lachappelle. Ce dernier ne porte pas Sebastian dans son codeur même s'il tourne un peu beaucoup autour d'Hannah.

Dans ce nouvel opus, l'intrigue est assez simple. Il y a la disparition de Sebastian Fletcher, les meurtres non expliqués de ses anciens camarades d'enfance et également musiciens de talents, présents aussi sur le catalogue du label Lachappel Records. Evidemment, Juan Diaz Canales joue aussi sur le registre du mythe de Faust. L'enquête avance au fil des rencontres faites par Blacksad, le tout entrecoupé de quelques flashbacks (arrivant un peu brusquement), histoire de poser les liens entre les personnages clés. Car évidemment tout le monde ne dit pas tout !

Selon moi, tout le charme de cette enquête, comme lors des précédents albums tient la qualité du trait, l'harmonie des couleurs, le coup de patte de Guarnido. Tout contribue rendre l'ambiance particulièrement vivante, crédible. Le choix des personnages, leurs traits animaliers s'accordent parfaitement aux expressions des visages. Le travail documentaire est également très poussé car tout, de la voiture d'enfant, aux costumes, à la musique de fond, tout est exactement comme l'était la vie dans une ville américaine des années 50. On s'y croirait. C'est toujours aussi époustouflant.

C'est toujours aussi frustrant aussi car on aimerait vraiment que ces albums durent un peu plus longtemps et surtout que l'on attende pas si longtemps entre chaque nouvel album. Le cinquième est déjà annoncé. On croise les doigts pour ne pas avoir à attendre encore cinq ans. Je recommande également le volume Blacksad, l'histoire des aquarelles, sorte de making off des planches de Guarnido, les « roughs » ou dessins préparatoires des premiers albums. On comprend mieux d'où vient toute la qualité, la beauté toute féline, la puissance des dessins : d'un travail minutieux combiné d'un talent remarquable.

A lire, relire, dévorer jusqu'au plus petit détail cet album comme les précédents. A offrir aussi car le beau se partage sans modération.

Dédale

L'enfer, le silence
L'enfer, le silence (Black Sad, Tome 4) - de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido - Éditions Dargaud - 56 pages