Guy de Timée, écrivain connu et reconnu pour ses romans à portée de satire sociale, touché de près par l'une des victimes, décide de mener l'enquête de son côté.
Aidé de Faustine, une prostituée et de Martial Perotti, un sergent de ville qui fournit une caution précieuse, Guy va peu à peu remonter les traces du tueur en s'inventant écrivain criminel.
Mais, à trop vouloir approcher le Mal, on risque de le rencontrer… et d'y perdre le peu que l'on a.
Léviatemps est le dernier roman en date de Maxime Chattam. Ce jeune auteur français que l'on ne présente plus signe un thriller prenant, où l'action le dispute aux réflexions sur la psychologie criminelle et s'en donne à cœur joie en faisant découvrir au lecteur les touts débuts de ce qui va devenir la science du profiling.
Le sujet se rapproche étrangement d'un autre de ses romans, Le Sang du Temps, par sa volonté de placer le crime dans un passé aux ambiances particulières. Là, en Egypte. Ici, à Paris. Mais la ressemblance s'arrête à ce constat. Ici, pas de va-et-vient entre passé et présent. Toute l'histoire se déroule en 1900 et malgré une tentative plutôt maladroite d'introduire le roman par un prologue situé de nos jours (et qui m'a fait peur quant à la suite du récit) l'auteur abandonne immédiatement cette idée pour se concentrer sur l'aventure. Bien lui en prend car le récit ne manque ni d'envergure ni de souffle.
Ce qui attire dès le départ est l'ambiance qui se dégage des pages. Il faut insister dessus car Chattam n'est pas coutumier du fait et c'est un vrai plaisir que de se promener avec Guy de Timée dans le Paris du début du siècle, de voir par ses yeux le tournant de ce siècle avec tout ce que cela implique d'avancée technologique. La fée électricité bien sûr tient une haute place, de même que les différentes industries qui commencent à s'équiper de machines pour faciliter le travail des ouvriers. Ou pour les remplacer. Inquiétude, questionnement, angoisses sur l'avenir, jouissance du présent. Tout se retrouve, tout s'emmêle dans un déchaînement de fureur où le crime est l'apothéose de ce passage singulier au XXème siècle.
A ces ambiances, cette promenade dans Paris, Chattam ajoute sa connaissance de l'esprit criminel qu'il a si bien su dépeindre dans ses premiers romans. On retombe dans la lignée de la Trilogie du Mal et ce n'est pas pour déplaire. Le métier du héros, écrivain, est un prétexte à une mise en abîme et un procédé intéressant pour amener le lecteur sur la piste du criminel en traitant celui-ci comme le personnage d'un roman qu'il faut construire pas à pas. Ses actes vont peindre l'adversaire plus sûrement que s'il était face à l'enquêteur et le lecteur retient son souffle jusqu'aux dernières pages, jusqu'à la fin inéluctable. Car si l'identité du criminel se dévoile peu à peu, on n'ose quand même pas prendre le pari tant les pistes sont ambivalentes. Et même lorsqu'il ne fait plus aucun doute, une légère hésitation subsiste quant aux motivations qui restent obscures. Je l'avoue sans honte, je me suis fait avoir.
C'est un roman qui renoue avec l'ambiance et le succès des premiers ouvrages. Un thriller haletant signé par un maître du genre qui révèle encore une fois, s'il était besoin, que l'âme humaine n'a aucune limite. Ni dans le mal, ni dans le bien. Un ouvrage à lire absolument, pour les amateurs du genre et pour ceux qui l'ignorent encore.
Du même auteur : Le sang du temps, La théorie de Gaïa, Prédateurs, Les Arcanes du Chaos
Extrait :
Elle hurlait.
Les traits déformés par la souffrance.
Ses mains froides et moites agrippèrent les poignets de Guy pour le sortir de ses rêves.
Dans le frémissement orangé d'une bougie, Faustine apparut. Ses cheveux aussi noirs que la nuit tissaient un rideau duquel sortaient son visage et ses grands yeux lumineux.
Guy cligna des paupières à nouveau pour desserrer les serres du sommeil qui le retenaient. Faustine lui parlait à toute vitesse, elle ne criait pas vraiment, mais le mal de crâne de Guy lui en donnait l'impression.
— … devons descendre. Dépêchez-vous !
— Quoi ? Quoi ? balbutia Guy en se frottant le coin des yeux. Qu'est-ce qui se passe ? Quelle heure est-il ?
Ses sens se ré-acclimatèrent à son environnement. Faustine était paniquée. Ses narines s'entrouvraient nerveusement, sa mâchoire tremblait et elle respirait fort. Guy tira sur ses draps et s'assit face à la jeune femme.
— Qu'y a-t-il ? Faustine, vous êtes toute pâle !
Il voulut tirer sur sa chemise de nuit et remarqua les traces sombres sur ses manches. Il saignait.
Le cœur battant, il inspecta son corps avant de réaliser soudainement que ce n'était pas lui. Faustine lui avait attrapé les bras.
Il saisit ses poignets et les leva vers lui, au-dessus de la bougie.
Ses paumes étaient couvertes de sang.
— Il s'est produit un drame, Guy, un cauchemar, dit-elle, le regard habité d'une inquiétante lueur.
— Quoi donc ? Êtes-vous blessée ?
Faustine ignora sa question, les mains toujours levées devant elle, le liquide luisant sinistrement sous la mince flamme. Du bout des lèvres, elle ajouta :
— C'est... l'œuvre du Diable !
Leviatemps de Maxime Chattam - Éditions Albin Michel - 443 pages
Commentaires
jeudi 25 novembre 2010 à 09h58
Fâchée avec Chattam depuis Prédateurs (que j'ai vraiment détesté), tu me donnerais envie de me réconcilier avec lui!
dimanche 12 décembre 2010 à 12h41
Bonjour et merci pour ce post. Je confirme, c'est un trés bon trhiller de Maxime Chattam. Il y a sur mon blog, deux présentations par deux lecteurs différents. Des présentations qui ne racontent rien de l'histoire. Sur ce blog, de nombreux livres sont présentés sans raconter, ..., par divers lecteurs. Si vous voulez partager vos avis ....n'hesitez pas
A bientôt
dimanche 9 janvier 2011 à 11h50
j'ai lu Leviatemps d'une seule traite, sans pouvoir décrocher. C'est par moments oppressant ou irritant, mais on est happé par l'atmosphère.