Le maître a déjà la santé bien fragile et pendant qu'il est alité, ses assistants et amis l'écoutent parler, prenant des notes.
Cet été là, il remonte le cours du temps pour leur parler de son enfance, ses souvenirs qu'il partage et qui sont la matière de ce petit ouvrage
Rabindranath Tagore est une figure majeure du tournant du siècle en Inde.
Plutôt porté sur l'écriture, il rédige très tôt ses premiers poèmes et laisse à la fin de sa vie en 1941 une œuvre prolifique et variée.
Né en 1861 à Calcutta, il est issu d'une famille aristocratique du Bengale appartenant à la caste des Brahmanes. Très vite frappé par la misère des paysans du Bengale, il décide de se consacrer à leur éducation et fonde une école dans la maison de campagne familiale de Santinikitan (ce qui se traduit par Séjour de Paix). Très vite, l'école devient une université internationalement réputée, ce qui vaut à Tagore une reconnaissance mondiale.
En récompense de son activité littéraire intense, Tagore reçoit le Prix Nobel de Littérature en 1913.
Souvenirs d'enfance est un recueil écrit sur la fin de la vie du maître, sous sa dictée.
C'est un ouvrage compilant les souvenirs ainsi qu'ils remontent à la surface. Le découpage en chapitre permet une facilité de lecture et une unité de sujet.
On peut considérer chaque chapitre comme une courte nouvelle, les uns n'ayant que peu de rapports avec les autres sinon de parler toujours des mêmes personnes.
Ainsi, Tagore évoque tour à tour son éducation, les habitudes féminines de la maison, l'ambiance qui régnait chez lui, l'arrivée de l'électricité, son départ à l'université, sa première représentation de théâtre en tant que spectateur... Tous les sujets sont abordés avec simplicité et humilité.
Le fait que le texte ait été écrit sous la dictée se ressent au fil des pages.
Si l'écriture est fluide et agréable, les idées sont bien amenées comme au fil d'une conversation, ou d'une histoire. C'est un conte qui se déroule à chaque chapitre, les auditeurs de l'époque et les lecteurs actuels basculent tout à coup dans un passé lointain ou dans un univers inconnu pour le lecteur occidental. Chaque petite anecdote se lit avec délice et l'on découvre petit à petit le quotidien de Tagore, ses manies, le fait que tout jeune il était plutôt mauvais élève, à la limite du cancre. Pour un homme qui a bâti une université, le paradoxe prête volontiers à sourire.
C'est en discutant avec ma grand-mère que nous avons évoqué Tagore. Je ne connaissais pas le personnage, mais le nom m'étais familier.
Aussitôt, elle part chercher ce livre qu'elle me tend.
J'ai pris énormément de plaisir à découvrir cette Inde, à travers les yeux de l'un des plus grands écrivains du pays.
Je passe donc le relais en vous invitant à votre tour à ouvrir ce livre, parcourir quelques pages et peut-être en redemander !
Du même auteur : La Maison et le Monde.
Extrait :
Les grandes personnes avaient l'habitude, par principe, de tout défendre aux enfants, mais un jour, pour je ne sais quelle raison, ils décidèrent d'être plus généreux et l'ordre fut donné de nous permettre d'assister à la représentation. C'était une pièce dont le sujet était emprunté à l'histoire de Nala et Damayanti. Avant le commencement de la représentation, on nous envoya dormir jusqu'à onze heures et demie. On nous promit de nous réveiller quand il serait temps, mais nous connaissions les manières de faire des grandes personnes et nous n'avions aucune confiance dans leurs promesses, ils étaient des adultes et nous n'étions que des enfants !
Souvenirs d'enfance de Rabindranath Tagore - Éditions Gallimard - 168 pages
Commentaires
vendredi 3 décembre 2010 à 08h56
J'ai eu ce livre en main que j'avais trouvé en bibliothèque mais je n'ai pas réussi à accrocher aux récits, ni vraiment nouvelles ni autobiographie
je suis curieuse de l'Inde mais n'ai pas été du tout enthousiasmé par celui ci
vendredi 3 décembre 2010 à 11h56
C'est un des auteurs que j'ai le plus lu, et je n'ai paradoxalement « chroniqué » aucun de ses livres, faute de savoir par où commencer ! Ces Souvenirs d'enfances me semblent une bonne entrée dans son œuvre. J'ai aussi beaucoup aimé Chârulatâ (Zulma) qui a été superbement adapté au cinéma par Satyajit Ray.
Parmi les textes plus courts, je recommande très vivement la pièce de théâtre Amal et la lettre du roi (trad. André Gide), mais cette traduction est difficilement trouvable (la traduction anglaise The Post Office est plus facile à trouver, au moins en Inde...).
(Cela dit, comme me disait un ami bengali, c'est beaucoup mieux de le lire en VO...)
samedi 4 décembre 2010 à 14h35
@Dominique : De base je ne suis pas un enthousiaste des biographies ou autobiographies. Ceci dit, ici la forme était suffisamment légère pour me permettre d'accrocher. Et Je ne connais pas suffisamment l'Inde pour m'être lassé. Après, comme nous le répétons souvent, chacun a ses propres goûts et c'est cette diversité qui nous enrichit
@Joël : Je t'assure que ce n'était pas du tout voulu de placer un auteur indien un soir où tu étais absent. Mais finalement tant mieux, car ça a permis aux autres de se faire plaisir. Aurais-tu trouvé plus rapidement ? Certainement
Et je suis ravi d'avoir commencé à appréhender cet auteur avec un ouvrage qui paraît des plus abordables. Ce n'est jamais évident, quand tu es confronté à une oeuvre aussi énorme, de faire un choix et de tomber juste pour ne pas être rebuté.
Quant à la chronique, du coup, je pense que je t'ai ouvert la porte pour nous parler des autres, car je ne connais aucun de ceux que tu as cité