Si la composition est thématique et non linéaire comme le sont les biographies, les textes de F.-X Gauroy sont courts, pertinents, intéressants et ont l'avantage de titiller votre curiosité. Cette petite biographie est comme un bel hameçon pour attraper les lecteurs. C'est également une bonne formule avant d'approfondir le sujet. La bibliographie en fin d'ouvrage permet de faire son choix dans les moult ouvrages consacrés à Camus.

F-X Gauroy a su donner l'essentiel de la vie, des aspirations de son sujet. De la naissance et la vie de Camus en Algérie, de sa lutte continuelle contre la tuberculose, son engagement comme journaliste au journal clandestin Combat durant les heures noires de l'occupation. C'est aussi un aperçu du milieu où Camus évoluait, ses rencontres, amitiées avec quelques uns des plus grands journalistes, auteurs, penseurs de son temps : René Char, Max- Pol Fouchet, André Malraux ou bien Max Jacobs, Michel et Janine Gallimard, Sartre pour ne citer que ceux-là. Et puis il y a aussi sa passion pour le théâtre, les pièces qu'il écrira (on pense à La chute ou Les Justes) comme celles qu'il adaptera et mettra en scène (Les possédés de Dostoïevski). Le théâtre sera l'occasion de faire bien des rencontres avec d'autres femmes comme Maria Casares ou Catherine Sellers. Il restera toujours l'époux de la douce Françine.

Sa disparition tragique dans un violent accident de voiture sur une route de bourgogne avec les Gallimard mettra fin à une vie des plus brillantes intellectuellement, toujours en interrogation sur les évolutions de son époque. On découvrira dans ces pages un homme talentueux, un homme de combats, mais toujours tiraillé entre son Algérie d'enfance et une France qui sait mordre autant qu'elle admire.

A découvrir évidemment.

Dédale

Extrait :

Une plage au soleil
Le sable éclatant sous le soleil et quelques amis qui tuent leur dimanche à l'écart de la ville. "La bande à Pierre", comme on a l'habitude de les appeler. Pierre, un garçon rude et secret dont Camus apprécie l'amitié.
Comme beaucoup de Pieds-Noirs, ils viennent ici déjeuner au "cabanon", jouer au football, flirter et se jeter dans l'eau aussi chaude que l'air et seulement plus salée. Tout un groupe, arrivé à bicyclette ou dans la décapotable de Pierre. Mais bientôt, l'un des garçons du groupe vient chercher son frère : une altercation l'oppose à deux Arabes et il a besoin de renforts. Quelques minutes plus tard, une bagarre éclate, violente, sans pitié. L'un des Arabes sort un couteau et l'un des jeunes Pieds-Noirs est touché au coin de la bouche.
Après le repas, plusieurs membres du groupe munis d'un revolver trouvé dans le cabanon repartent au hasard de la plage et retrouvent les deux Arabes. Ceux-ci, étendus derrière un rocher, prennent le soleil en jouant du fifre. Le drame est évité de justesse, les gendarmes intervenant à temps.
Nous ne sommes pas près d'Alger, mais d'Oran. Et Camus n'a pas assisté à ce déchaînement de violence dont il entendra maintes fois le récit. Il en connaît les protagonistes. La plupart font fréquenté le Théâtre du Travail. Certains sont de véritables militants. Et pourtant, ils se sont lancés sans hésitation dans cette rixe sordide qui aurait pu finir en tragédie.
Quelle aurait été l'attitude de Camus, s'il s'était trouvé là ? Lui en tout cas se pose la question et charge son personnage d'y répondre. Le Meursault de l'Etranger naît ce jour-là, en l'absence de son auteur qui va imaginer le pire pour lui donner une portée universelle : le soleil, la solitude au bout d'une plage brûlante, le métal de l'arme au creux de la paume et le meurtrier qui se libère d'une haine que l'on ignorait porter si profondément en soi.

Albert Camus, le soleil malgré tout
Albert Camus, le soleil malgré tout de François-Xavier Gauroy - Timée-Éditions - 137 pages