À la lecture du premier tome, il y a quelques semaines de ça, j'avais trouvé que l'idée d'explorer le corps humain (déjà exploitée dans l'excellent dessin animé Il était une fois la vie) apportait une dimension intéressante au roman d'aventures ; et malgré un récit calibré et formaté pour créer une série à succès facilement exportable, l'intrigue était suffisamment divertissante pour plaire à nos jeunes lecteurs.

Mais en lisant ce troisième tome, j'ai senti la moutarde me monter au nez et c'est un véritable carton rouge que j'ai envie d'adresser à Eli Anderson.

Déjà dans le premier tome, j'avais dit mon étonnement qu'un auteur français ancre son action aux États-Unis et je m'interrogeais sur les raisons de ce choix. Dans Le secret des Eternels, Oscar et tous ses camarades se retrouvent dans la capitale française et l'auteur accumule les poncifs et les clichés. Alors que sa connaissance du terrain aurait pu donner lieu à la découverte d'endroits étonnants et magnifiques, Eli Anderson nous propose une visite guidée des sites les plus connus et touristiques : la balade en bateau-mouche, la tour Eiffel, Versaille, Disneyland et son Space Moutain sans oublier évidemment le Louvre.

Toute une partie de l'action se déroule dans le musée parisien et plus précisément dans la salle de la Joconde. Oscar Pill s'introduira de nuit dans cette fameuse salle pour tenter de résoudre une énigme en observant les tableaux (tiens, ça ne vous rappelle pas le Da Vinci Code ?). Déjà, dans le premier tome, les similitudes avec Harry Potter et Il était une fois la vie m'avaient dérangée. Cette fois j'ai encore eu la sensation tenace que l'auteur piochait dans les Best-Sellers et mélangeaient les ingrédients qui avaient déjà fait leurs preuves. Or il n'y a rien de plus désagréable, surtout en littérature jeunesse, que de voir les ficelles et de sentir que l'on prend le lecteur pour un simple consommateur.

Mais au-delà du côté « marketing », j'ai failli parfois avaler mon café de travers en lisant certains passages à l'humour lourd voire douteux. Pour le côté lourdingue, on apprend ainsi l'origine de l'immaculée conception la conception de Jésus :

- Est-ce que… est-ce que vous êtes Médicus ?
- Non, mais mon mari l'est, répondit-elle en se tournant vers un charpentier tout proche. Sinon, comment aurais-je pu attendre un enfant et rester vierge, Oscar ?
- Une Intrusion Corporelle ? Devina Oscar. C'est donc cela, le secret de l'Esprit Saint et de la naissance de Jésus.

Mouais, soit... C'est un peu lourd, mais finalement pourquoi pas. Mais quand Oscar finit par explorer l'univers de la reproduction puisque tel est l'objet du roman, j'ai hésité entre le fou rire et la consternation : projeté dans l'univers de la reproduction d'un homme, Oscar atterrit dans Testis One pour se diriger vers Testis Two, à la recherche du Père Matos Zoïde et de la tribu des Grands Séminales. Il rencontre des Cosmogonautes qui embarquent pour Pen IS 1 (sic) sur la rampe de lancement en cours d'élévation, afin d'aller planter leur petites flèches dans l'O-Wul. Je ne sais pas vous, mais personnellement, je trouve ça un peu "too much". Il y avait tant de manières d'aborder cet univers sans tomber dans le jeu de mots à trois francs six sous.

Mais ce qui m'a le plus gênée, c'est un chapitre qui me semble totalement déplacé et inapproprié pour un lectorat de 11/12 ans, âge auquel est destiné cette série. Même s'il ne doit pas il y avoir de sujet tabou en littérature jeunesse, je trouve tout de même malsain, dans un roman destiné aux jeunes collégiens, de proposer un chapitre entier décrivant une scène sado-maso entre une jeune fille de 14 ans et 3 hommes (même si ceux-ci vivent à l'intérieur du corps humain). Eli Anderson s'est sûrement beaucoup amusé en écrivant ce chapitre – et peut-être l'aurais-je lu dans un roman pour grands ados ou adultes, cela m'aurait peut-être fait sourire -  mais je pense qu'il a oublié à quel public il s'adressait. Pour que vous compreniez un peu mieux à quoi je fais référence, je vous ai mis à la fin du billet des extraits de ce chapitre.

Les deux prochains tomes, consacrés respectivement aux gènes et au cerveau, auraient pu m'intéresser mais la lecture de ce tome m'a passé définitivement l'envie de connaître la suite des aventures d'Oscar Pill.

(Voir aussi : Oscar Pill, tome 1)

Laurence

Extrait :

Le cosmogonaute eut tout juste le temps d'imiter ses deux collègues et de coller le dos aux casiers du vestiaire, bras et jambes écartés : le démon en cuir noir était à vingt centimètres d'eux, grand, sans formes et terrifiant, et martelait le métal des armoires avec sa chaîne pour ponctuer son discours.
- C'est MOI (chlac)… qui POSE (chlak)… les QUESTIONS (chlac) ! Hurla la jeune fille.
Ils se contentèrent d'acquiescer, tandis qu'Iris remettait sa chaine autour du cou et se saisissait d'une baguette en résine découverte dans un des casiers ouverts. Elle la cala d'un geste sec sous le bras, souleva un sourcil et passa devant eux comme on passe des troupes en revue. […]
- Alors, à partir de maintenant, je vais donner des ordres, et vous allez obéir.
- Oui, madame ![…]
Iris fit claquer sa bottine sur le marbre, et les trois types se redressèrent un peu plus.
- Qu'est-ce que j'ai dit ? Aucune question. On se contente d'obéir. Bon, où on en était ?
- Vous alliez me donner un ordre, répondit d'une voix rauque le type, dont l'envie prenait le dessus sur la peur.
- Vous aimez les ordres ?
- Oh oui ! S'écrièrent-ils en chœur.
Iris sentit une joie indicible monter en elle comme une vague qui la submergerait. Enfin ! Pour la première fois de sa vie, en quatorze longues années, elle rencontrait des personnes qui aimaient les ordres et, surtout, qui étaient prêts à obéir sans broncher ! […]
Dans la salle, Iris exultait. Elle frappa avec la baguette dans la paume de sa main.
- Alors… à genoux ! Tous les trois, et vite !
Les trois se précipitèrent sur leurs rotules.
- Baissez la tête ! Je veux voir votre crâne tondu ! Qui est votre maitresse ? Hein ? RÉPONDEZ ! Hurla Iris en frappant tous les meubles autour d'elle.
- VOUS ! S'écrièrent les trois types, ravis et effrayés en même temps.

Le secret des éternels
Le secret des éternels (Oscar Pill, Tome 3)
d'Eli Anderson - Albin Michel - 607 pages