Jad et Claris, 12 ans, ont été élevé par leur père depuis que leur mère a disparu lors de leur troisième anniversaire.
Jad croit fermement qu'elle vit toujours, c'est ce qui lui permet de se battre au quotidien contre sa maladie.
Claris a un tempérament plus volontaire. Elle semble vivre pour deux, puisque son frère s'épuise trop vite.
Elle s'imagine des aventures incroyables et lit des romans qui lui permettent de s'évader.
C'est durant une escapade au marché de Salicande que Jad va rencontrer Bahir Borges et toute sa famille.
A partir de ce moment, les événements se précipitent et le voile se lève sur certains mystères.
Mais d'autres s'épaississent et les jumeaux se lancent dans la plus dangereuse des aventures : la quête de la vérité.

Salicande est le premier volume d'une série pour la jeunesse écrite par Pauline Alphen. Et c'est également son premier roman.

Et pour un premier roman, c'est un coup de maître. Un de ces romans qui vous happent dès la première page, alors qu'on ne sait pas encore où l'on met les pieds et qui ne vous lâche qu'à la dernière page tournée.
C'est un livre captivant, plein de vie et de clins d'oeil, de références à notre univers mais en même temps totalement en décalage. On ne sait pas vraiment si l'on se situe au moyen âge ou dans un monde post-apocalyptique au départ, mais le récit est parcouru de petits signes qui font que l'on prend vite ses marques. Et puis comme le précise la quatrième de couverture : . Du moins pas dès le départ. Car les explications viennent au compte goutte, avec un savant calcul qui permet de garder intacte l'attention du lecteur et l'émerveillement du voyageur.

Car il s'agit d'un voyage.
Le roman s'ouvre tout d'abord sur la galerie de personnages. Longue et fastidieuse lecture qui n'augure généralement rien de très folichon à suivre. Pourtant, la première page tournée, une accroche invite le lecteur au voyage. Impossible de ne pas en parler car c'est cette première prise de contact avec l'univers qui fait basculer le lecteur dans ce monde magique. Et comme une citation vaut mieux qu'un long discours...

Le Vrai Lecteur écrit le livre en le lisant.

Le Vrai Lecteur est à le fois l'auteur,
les personnages et l'histoire.
Le Vrai Lecteur est le livre.

La Guilde se trompe.
Le Vrai Lecteur n'est pas celui qui comprend
ce que l'auteur a voulu dire.
Le Vrai Lecteur est celui qui, en lisant, réinvente le livre.
Et s'il lit autre chose que ce qu'à écrit l'auteur,
alors celui-ci a gagné son pari, il a fait son travail.

Le Vrai Lecteur court tous les risques.
Celui de savoir ce que les personnages ne savent pas.
Celui de ne pas savoir ce que savent les personnages.
Celui de comprendre autre chose que ce que voulait l'auteur.
Le Vrai Lecteur s'en fiche, il voyage...

Carnets de Sierra, extraits, in Archives apocryphes de la Guilde des Nomades de l'Écriture.

Que dire, après ça ?
Peu de choses, sinon que cette invitation au voyage est la plus belle qu'il m'ait été donné de lire et du coup l'auteur a captivé toute mon attention...
Salicande est de ces ouvrages dont on se souvient longtemps après. Pas forcément de manière très précise, mais comme d'un voyage magnifique qui a été fait, que l'on referait bien un jour ou l'autre. Un voyage où l'on est heureux de pouvoir inviter du monde parce que c'est là le côté magique : pouvoir le partager.

Avec des mots qui touchent, avec une infinie délicatesse, Pauline Alphen dépeint un univers étrange qui nous questionne directement, nous lecteur, par rapport à ce qu'est notre monde d'aujourd'hui. Oui il y a une portée écolo dans ce roman, mais qui est menée comme un film de Miyazaki, tout en douceur. Et puis il y a aussi des références à des romans que l'on connaît, ceux de Pierre Bottero ou les Harry Potter, pour ne citer qu'eux.
C'est un véritable creuset de références qui donnent des pistes de lecture et l'on suit avec un intérêt croissant l'histoire des jumeaux, leurs choix de vie et les conséquences qui en découlent.

Un véritable petit bijou remarqué dès sa sortie, récompensé par plusieurs prix jeunesse (le Prix Imaginales des Collégiens et le Prix Elbakin.net du roman jeunesse français) qu'il faut mettre entre toutes les mains.

Cœur de chene

Extrait :

Claris avait passé les deux dernières journées avec Merlin. Puisque personne ne s'occupait d'elle, elle s'occupait de lui. Pendant que tous rangeaient, nettoyaient, coupaient du bois pour regarnir les réserves et faisaient les paquetages, Claris donna à manger à Merlin, joua avec lui, le promena en surveillant ses pas chancelants. Maya observait de loin, heureuse que le petit la distraie de sa peine.
Claris n'avait jamais pensé que cela pouvait être si amusant. Le petit garçon était d'un naturel énergique et enthousiaste, rieur, téméraire. Dans une famille où le verbe était roi, à dix-huit mois, le bébé ne parlait toujours pas, exception faite d'un "ma-ma-ma" destiné à Jwel mais également à tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un élément comestible.
Merlin gazouillait une langue qui lui était propre et se faisait parfaitement comprendre. il passait de longs moments assis dans l'herbe, regardant autour de lui, les bras levés, agitant ses doigts comme des antennes branchées sur l'univers, gazouillant des déclarations d'amour aux arbres, au ciel, aux oiseaux.
Justement, une mésange bleue passa. L'enfant la vit, tendit les bras et, soudain, il siffla ! La mésange vint se poser sur la tête de l'enfant et se tint là un instant immobile. Elle tourna la tête d'un mouvement vif et Merlin en fit autant. L'oiseau ouvrit les ailes et l'enfant ouvrit les bras. La mésange prit son envol. Merlin se leva et courut.
Claris le rattrapa de justesse avant qu'il ne tombe. Le bébé ne pleura pas, il suivait l'oiseau des yeux en poussant de petits cris.
Maya, qui sanglait les sizyfs non loin de là, avait vu la scène entre l'enfant et l'oiseau. Elle avait entendu le bébé siffler, vu le ballet des gestes. Serait-ce possible ? La Nomade serra la sangle et décida de hâter son départ pour Vieil-Ambre.

Salicande
Salicande (Les Eveilleurs, Livre 1) de Pauline Alphen - Éditions Hachette - 521 pages