D’abord, en suivant Basile, le héros, préparez vous à retourner au temps glorieux de la royale, quand les caraïbes étaient la pomme de discorde entre la fille aînée de l’église et la perfide Albion. Au temps où les ponts craquaient et sentaient la sueur et le sang. Au temps où les canons de bronze chargés jusqu'à la gueule étaient aussi dangereux devant que derrière. Au temps, où, comme Basile on s'enrôlait à grand coups de gnôle dans les tavernes des villes portuaires.

Basile est un héros idéal au passé tragique et plein de fureur. Encore habité de l’innocence de l’enfance, il va, pour paraphraser le sous titre, faire ses humanités entre la mer d’Iroise et les caraïbes. Embarqué malgré lui sur la Diane, navigant pour le compte du roi de France il va se retrouver entouré de personnages pittoresques et riches en couleurs, de ces figures qui vous placent une situation par leur simple évocation. Dans cet étrange environnement,  il va grandir, de gré ou de force. Découvrir pèle mêle, l’amour, la mort, le pouvoir, la soumission, le crime et le châtiment. Il y découvrira aussi les raisons d'un passé sanglant et d'un futur plus souriant. Comme tout les héros, il est malin et plein de ressources insoupçonnables, y compris de lui-même. Ressources grâces auxquelles il connaîtra un destin hors du commun.

Le style, lui, vous ramènera à l’époque des couvertures rouges et enluminés de la collection Hetzel. Au temps de ces ouvrages à la tranche épaisse et rigide, aux pages odorantes et légèrement jaunes qu’on finissait de lire caché sous les couvertures malgré l’ordre parental d’extinction des feux. Un style plein et ample, soigneux et précis où l’évocation ne sert pas de prétexte à la facilité et à l’usage de tout les raccourcis littéraires si fréquents.

Un style si rare qu’il en devient déroutant tant on a perdu l'habitude de ce style classique et pourtant si efficace. Cela pourrait bien desservir ce livre en rebutant les jeunes lecteurs, peu habitués à tant d’académisme. On y retrouve ces apartés où, tout soudain, l’auteur prend son lecteur à témoin, comme le conteur qui s’interrompt pour préciser l’histoire d’un lieu ou d’un personnage, laissant un suspens insoutenable.  On se retrouve alors pris dans une machine implacable, on lit comme on respire, retenant son souffle à chaque péripétie. On imagine sans peine chaque scène, tant elles sont décrites avec précision.

C’est d’ailleurs, je crois, ce qui caractérise ce livre. Un soin quasi psychotique apporté à chaque détail. Combien d’ouvrages, aujourd’hui, comprennent un lexique final de cette taille, combien d’auteurs s’emploient avec une telle application à utiliser le mot juste, et pas seulement le « mot qui fait genre ». Comme si un « souquez ferme », ou un « hissez le perroquet » suffisait à faire un film de pirate ! Ces auteurs sont trop rares et N.Grondin en est un.

Mais, comme la jeunesse est loin d’être aussi bête qu’on le croit, il se pourrait bien qu’elle ne tombe pas dans le piège de la facilité toute mâchée et aime ce bouquin pour ce qu’il est : un souffle d’aventure épique dans un monde de brute.
Il leur faudra juste s’habituer à ce qu’un livre leur laisse dans la bouche un goût de tartine beurre et chocolat, de limonade fraîche et de Jeudi après midi pluvieux.

Hugues

Extrait :

Tout à mes sombres pensées, je pris soudain la mesure, face à moi, d’un mur gris-bleu, rugissant et hérissé d’embruns, qui venait à ma rencontre. Avant même que je ne comprisse ce qu’il se passait, alors que je prenais une inspiration pour hurler ma terreur, je fus tout entier au milieu d’une eau glacée qui m’emplit jusqu’aux poumons faisant peser sur chacun de mes membres une force de colosse, irrépressible, qui m’entraînait vers l’abîme. Mes pieds furent balayés du solide pont qui les soutenait et je cherchais désespérément à lutter contre cet enfer liquide, mais le merlin qui tenait lieu de ceinture à mes grègues était pris dans un étau qui me clouait. Je heurtais avec violence quelque chose qui était devant moi, sans plus savoir où se trouvait le bas et le haut. La lame passa comme elle était venue, dévalant bruyamment par les dalots et me laissant échoué la face contre les bordages du gaillard, toussant l’eau que j’avais avalée.
Un bain digne de Jean Le Baptiste, garçon.

L'énigme de la Diane
L'énigme de la Diane
de Nicolas Grondin - Éditions Les Nouveaux Auteurs - 362 pages