Et pour commencer ce billet, je vous parlerai de la fin de l'ouvrage. En guise de quatrième de couverture, les éditions Antidata ont eu l'excellente idée de nous propose un sommaire à la façon d'un album de musique. On retrouve ainsi : le titre du morceau, le nom de l'auteur, le genre musical et même la durée de lecture. C'est tout bête mais il fallait y penser et cela s'accorde évidemment très bien au propos de l'ouvrage.
12 nouvelles musicales, et 12 auteurs aux influences très diverses. En préambule de chaque nouvelle, en plus d'une courte biographie, on retrouve la "play-liste" de chaque auteur. Avant même de commencer la lecture, on est donc imprégné d'une atmosphère musicale.
C'est Cécile Coulon qui ouvre ce recueil avec Hamburger chéri. Comme dans Méfiez-vous des enfants sages, l'action se déroule aux États-Unis mais ici l'espoir et le rêve américain ne sont pas enterrés. L'auteur avance par petites touches, suggère plus qu'elle ne dit et montre que la musique peut parfois changer un destin.
Avec 35, Amandine Bellet change de registre et nous voici enfermés dans un ascenseur en attendant le service de dépannage. Rien de plus stressant que ces musiques en conserve mais rien de plus drôle que les situations qui peuvent en découler. C'est ce qu'apprendra à ses dépends le narrateur de ce récit.
On savait que la musique adoucissait les mœurs mais saviez vous qu'elle pouvait également être un assassin redoutable ? C'est en tout cas la théorie de Christophe Despaux dans Un crime parfait. Malheureusement l'intrigue manque un peu de clarté mais peut-être faut-il connaitre O superman (for Massenet) de Laurie Anderson, dont s'est inspiré l'auteur, pour apprécier cette histoire ?
À l'inverse, même si je ne connaissais pas la chanson Free bird du groupe Lynyrd Skynyrd autour de laquelle est construite la nouvelle Le Seuil, j'ai trouvé ce texte superbe tant dans la forme que dans le contenu. Avec beaucoup de sobriété et de pudeur, Scarlett Allainguillaume nous propose une partition à deux voix sur le thème de la rupture.
La faucheuse n'aimerait pas les aubades ? se demande Bertrand Redonnet dans un texte tendrement malicieux et qui pourrait presque nous faire croire que le secret de la longévité se cache dans les arpèges.
Je passerai rapidement sur Un air d'Elena (Ludmila Safyane) qui ne m'a pas convaincue pour m'attarder sur la nouvelle qui suit : Un café et une guitare. J'ai retrouvé ici avec plaisir toute la poésie surréaliste de Gilles Marchand. En nous racontant l'histoire d'un musicien des rues, l'auteur se joue de nos repères et de nos croyances, brouille les pistes et retranscrit avec beaucoup d'habileté les pensées de son personnage.
Olivier Salaün a décidé lui de revisiter les musiques qui ont marqué notre adolescence et les premiers baisers (Sixième bleue) et Christophe Segas vous invite dans l'univers bruyant des fanfares (Le trombone en or). Plus surprenant est le texte de Malvina Majoux, Le schnark de Levallois. Présenté comme un texte de théâtre, ce récit met en scène un habitant qui résiste aux grutiers et autres ouvriers du bâtiment alors que son quartier est voué à la démolition. Cris contre bruits des machines. L'idée est bien trouvée et finement exploitée.
Les deux dernières nouvelles du recueil proposent là encore des univers très divers. Tout ce que tu fais est merveilleux (Charlotte Monégier) opte pour l'humour et la crise de couple. Ah, toutes les filles ne rêvent-elles pas d'épouser des musiciens ? Mais que se passe-t-il quand les princesses se réveillent ? Armor - Andalousie, qui clôt ce recueil est un très beau texte de François Martinache qui nous invite à voir plus loin que nos petites vies et à nous ouvrir sur l'autre et l'ailleurs.
Le format de ce recueil est idéal pour un sac à main, pour des lectures épisodes entre deux rendez-vous ou deux stations. Bien sûr, ce ne sont pas des lectures puissantes qui vous marqueront pour les années à venir, et sûrement ils ne s'imprimeront que de manière très éphémère dans votre mémoire. Mais cela vous permettra de passer un moment très agréable, une pause salutaire entre deux lectures plus denses.
Laurence
Extrait de 35 :
Vingt-deux heures quinze. Étage 48. J'attends devant les portes de l'ascenseur. Les chiffres défilent, réguliers, j'ai des fourmis dans les jambes - c'est long. J'aperçois quelqu'un qui se dirige vers moi. Je lui jette un coup d'œil rapide, la femme est plantureuse, tangue un peu, un foulard à fleurs recouvre son opulente poitrine, elle marche lourdement sur la moquette rouge. Ses pas sont silencieux, ils s'enfoncent. Elle me rejoint, sourit. Je détourne les yeux.
« Bonsoir » elle dit.
« Bonsoir » je lui réponds.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent. Elle passe devant moi, sent la lessive et les cheveux sales.
« Parking ? »
En réponse, elle se contente de sourire.
Les portes se referment.
La musique démarre. Du piano. Rien de connu. Je déteste ce genre de musique.
Douze cordes - Éditions Antidata - 137 pages
Commentaires
samedi 8 janvier 2011 à 10h47
> Malheureusement l'intrigue manque un peu de clarté mais peut-être faut-il connaitre O superman (for Massenet) de Laurie Anderson, dont s'est inspiré l'auteur, pour apprécier cette histoire ?
J'ai entendu un peu de sa musique dans le ballet O złożony / O composite de Trisha Brown très récemment. C'est très spécial... Cela ne m'étonne pas que le sens de la nouvelle soit difficile à saisir !
samedi 8 janvier 2011 à 12h10
Je suis convaincu. Ma prochaine lecture !
merci, amitiés
dimanche 9 janvier 2011 à 20h04
Joël : après avoir rédigé le billet je suis quand même allée sur Youtube écouter le dit-morceau. C'est effectivement très particulier...
Personnellement je n'écouterai pas ça pour me détendre :D
Avec plaisir Fred et à très bientôt.
lundi 10 janvier 2011 à 22h14
C'est très intéressant comme recueil.
Enfin... je suis partagée : le thème (musique) m'intéresse beaucoup, mais j'ai plus de mal avec le format (nouvelles).
Je le note dans ma liste à lire, quand j'aurai écoulé les réserves faites cette semaine en bibliothèque, j'irai sûrement y jeter 1 œil quand même !
mardi 11 janvier 2011 à 07h56
Bonjour Aloysia et merci de votre message ici. Difficile effectivement si vous n'aimez pas trop le genre de la nouvelle... Mais revenez-nous dire ce que vous en avez pensé si vous craquez finalement.
mardi 11 janvier 2011 à 10h05
Merci Laurence pour ce billet, c'est toujours agréable de lire les retours - aussi bien positifs que négatifs, concernant nos écrits !