K. est persuadé d'être né à la mauvaise époque.
Tout ce qu'il entreprend tourne au vinaigre et son tempérament contemplatif n'arrange pas les choses. Miné par un nom qu'il trouve honteux, il n'ose même pas se présenter devant une femme sans rougir. D'où ce surnom de K.
Aussi, lorsque le chevalier de Lübeck demande expressément à ce que ce jeune policier, aux arrêts après une affaire de protection qui a mal tourné, lui soit détaché en protection, les choses prennent une allure inattendue. Voire déjantée.
Être attaché à la protection d'un colosse, une force de la nature dont la seule lubie est de redonner à Prague son cachet d'antan en restaurant ses églises gothiques, c'est déjà une gageure. Mais lorsque s'ajoute à ceci les agressions sur des architectes de la ville, des visions extrêmement réalistes et dérangeantes, la rencontre avec l'agent Rozeta Belska et les souvenirs d'enfance qui remontent, K. sent que, vraiment, ça ne va plus et que le monde est en train de changer, du moins pour lui.

Les 7 églises est un roman tout à fait inattendu.
L'auteur entraîne son lecteur à travers Prague et ses secrets, ses ruelles, ses églises et son histoire. Tout y passe si bien qu'à la fin le lecteur est convaincu d'aller visiter cette ville merveilleuse, ne serait-ce que pour se promener sur les traces de K. et de son étrange allié.
Comme guide touristique, le roman est exceptionnel.

Et c'est certainement ce qui déstabilise considérablement. En réalité, l'intrigue policière est reléguée au second plan, juste après de longues, loooooongues descriptions des lieux et de l'histoire de la ville. Du coup ça piétine pas mal, et on perd très vite le fil. Surtout lorsque l'on a une lecture un tant soit peu morcelée. Le souci majeur est qu'il faudrait pouvoir lire le roman avec un plan de Prague sous les yeux, tellement les lieux sont précis et les noms complexes à retenir (c'est que on a pas vraiment l'habitude de ce genre de noms, en France...).Et ce qui m'a personnellement beaucoup agacé, c'est de ne pas savoir comment prononcer ces noms. J'aime pouvoir lire et vocaliser tout ce que je vois et là, ces noms étranges aux graphies complexes pleines d'accents, impossible de savoir comment les prononcer. C'est très frustrant.

En dehors de ça, la plume est très agréable et l'histoire mêle habilement passé et présent. On pénètre plutôt facilement dans la vie de K. et on savoure ces moments de paix lors des promenades nocturnes, on s'interroge sur son passé, ses relations avec son père. C'est une véritable psychanalyse en parallèle de l'enquête.

Le point central du roman reste la ville. Elle est le véritable héros de cette tragédie (au sens premier) où les humains ne sont que des acteurs qui passent, tiennent leur temps sur scène, puis s'en vont loin de ce récit.
Pas vraiment une déception, donc, mais plutôt une incompréhension et un décalage entre l'univers présenté et ce à quoi je m'attendais. La rencontre ne s'est pas faite comme je l'espérais, mais ce roman devrait intéresser les lecteurs attirés pas l'histoire Tchèque et la découverte de la ville sous un angle plutôt particulier. Aux autres, il faut se munir de patience et de perspicacité.

Cœur de chene

Extrait :

L'histoire de mes malheurs a commencé à s'écrire le jour où j'ai reçu mon nom — donc au moment même de ma naissance. Ou peut-être même neuf mois plus tôt ? Peut-être était-elle prédéterminée dès la naissance de mon père, un homme au vilain nom dont j'ai hérité.
Mes parents ne me désiraient pas. J'ai été la cause de leur mariage, je leur ai fait cimenter leur relation et remplacer un bourbier par du roc. Les cruautés vers lesquelles je me suis trouvé insidieusement attiré à l'âge adulte ne sont que la conséquence logique de leurs conflits. Je ne connais rien de plus lamentable qu'un mariage contracté au vingtième siècle et je me considère comme bienheureux, car j'ai atteint la fin de cette époque immonde sans me marier. C'est sans nul doute parce que j'ai su me retourner à temps vers le passé et ses récits mystérieux. On ne peut pas tous les raconter, ceux qui nous restent sont ceux qui en valent la peine. Ma propre histoire aussi appartient aujourd'hui à un lointain passé et compte parmi les plus singulières.
Je commencerai par un souvenir qui est resté gravé dans ma mémoire jusqu'à ce jour et qui est l'essence de mon enfance, le souvenir d'une excursion dont mon père m'avait gratifié pour mes huit ans. Nous vivions à Mladà Boleslav, une ville située dans la région de mille et une demeures historiques. Mais nous habitions dans un grand ensemble. Année après année, mes parents et moi allions en vacances près du lac Màcha, tout proche, mais ils repoussaient toujours à l'année suivante la montée au château pittoresque près duquel passait notre route.
Jusqu'au jour de mes huit ans...

Les 7 eglises
Les 7 églises de Milos Urban - Éditions Au Diable Vauvert - 478 pages
Traduit du Tchèque par Barbora Faure