Richard avait tout pour lui.
Une fiancée douce et aimante, un boulot et le bonheur de vivre.
Mais tout s'évapore le soir où il décide d'aider cette jeune inconnue. Du jour au lendemain il devient une ombre aux yeux de ses concitoyens, un être intangible. Il ne lui reste qu'une solution pour retrouver sa vie d'avant : franchir la barrière qui sépare les mondes et trouver la Londres d'En-Bas pour pouvoir enfin réintégrer sa réalité.
Bien sûr le voyage n'est pas de tout repos. Déjà, l'Autre Londres est un lieu plein de danger pour un visiteur de la surface. Mais en plus les terribles MM Croup et Valdemar sont sur ses talons et menacent de le tuer au moindre faux pas. En qui peut-il avoir confiance ?

Est-il encore nécessaire de présenter Neil Gaiman ?

Auteur et scénariste extrêmement prolifique tant pour la jeunesse que pour les adultes, ayant de nombreux romans et bande-dessinées à son actif ainsi que des adaptations télévisées et cinématographiques.

Neverwhere est le premier ouvrage de Gaiman a avoir été publié en français et depuis le monde de l'édition ne s'y est pas trompé et à rattrapé son retard.

Il s'agit d'un ouvrage de fantasy urbaine destiné aussi bien à la jeunesse qu'à un lectorat adulte. Les aventures de Richard sauront séduire l'un comme l'autre et enchanter les imaginations.
Gaiman brosse dans ce roman ambitieux, à la fois sombre et plein d'humour, un portrait au vitriol de la société anglaise et de notre monde capitaliste de manière générale. Tous les sujets y sont abordés, de la place de l'argent au sacrifice de soi en passant par des notions perdues comme l'honneur, un brin de spiritualité, quelques notions culinaires étranges, l'amitié et l'amour.
C'est un vaste tour d'horizon des émotions et des comportements humains, le tout mâtiné d'êtres étranges et saugrenus, de références pour petits et grands (on retrouve pêle-mêle le Chat du Cheschire, le Marquis de Carabas, la peur du noir, le Fog...).

Bien sûr, à la lecture de cet ouvrage, impossible de ne pas faire le rapprochement avec un autre excellent roman paru beaucoup plus récemment qui traite du même sujet : Lombres de China Miéville.
Mais là où Miéville est clairement orienté vers un jeune public et entre dans un grand délire imaginaire, Gaiman reste beaucoup plus sage et à une volonté critique derrière l'histoire qui amène le lecteur a explorer divers niveaux de lecture.

C'est une histoire magique, qui emmène le lecteur à des lieues sous terre, sur les traces improbables de personnages impossibles. C'est une grande aventure servie par une écriture dynamique et précise, véhiculant parfaitement les images de cet univers complètement déjanté qui se matérialise ainsi que les diverses émotions qui traversent Richard.

C'est un roman d'exception, un très grand cru. C'est du Gaiman en grande forme, sans doute en raison de la manière dont il a été bridé lors de la réalisation du feuilleton radiophonique d'où est tiré cette histoire. En réalité il s'agit d'un feuilleton réalisé par et pour la BBC, mais Gaiman n'a pas eu l'occasion de le modifier à loisir. De guerre lasse, il s'est tourné vers la réécriture du script sous forme romanesque, lui permettant ainsi d'amener toutes les améliorations voulues pour le plus grand bonheur de ses lecteurs.

C'est pour toutes ces excellentes raisons qu'il ne faut pas hésiter à ouvrir ce livre étrange, à se laisser envahir par l'aventure et à en faire profiter les copains !

Cœur de chene

Extrait :

«Y a-t-il vraiment une raison d'avoir peur ? C'est Knightsbridge. Cela signifie-t-il qu'il faille redouter un chevalier sur le pont ?
— Non, ici c'est Night's Bridge. Le pont de la Nuit. C'est la nuit sur le pont qu'il faut craindre.»
La main d'Anesthésie chercha celle de Richard. Il serra cette menotte au creux de la sienne. Anesthésie lui sourit, lui rendit sa pression de la main. Puis, ils s'engagèrent sur le pont de la Nuit, et Richard commença à comprendre les ténèbres : les ténèbres en tant qu'élément concret et réel, tellement supérieur à l'absence de lumière. Il les sentit frôler sa peau, chercher, se déplacer, explorer : se couler à travers ses penses. Elles s'insinuèrent dans ses poumons, derrière ses yeux, dans sa bouche...
A chaque nouveau pas, la clarté de la bougie baissait. Il s'aperçut que la même chose arrivait à la lampe torche de la femme en cuir. On avait moins l'impression que les lumières baissaient que de voir monter le noir. Richard cligna des yeux et rouvrit les paupières sur rien — rien que les ténèbres, complètes et absolues. Des bruits. Un frôlement, un frémissement. Richard cligna des yeux, aveuglé par la nuit. Les bruits devinrent plus féroces, plus affamés. Richard imagina qu'il entendait des voix : une horde de trolls énormes et contrefaits, sous le pont...
Quelque chose se glissa auprès d'eux dans le noir.
« Qu'est-ce que c'est ? » couina Anesthésie. Sa main tremblait dans celle de Richard.
« Chut, souffla la femme. N'attire pas son attention.
— Que se passe-t-il ? chuchota Richard.
— Les ténèbres, voilà ce qui se passe », répondit la femme en cuir très doucement. « La nuit. Tous les cauchemars qui sont sortis avec le coucher du soleil, depuis l'époque des cavernes, lorsque nous nous serrions de peur les uns contre les autres, cherchant la sécurité et la chaleur. Voilà ce qui se passe. A présent, le moment est venu pour vous d'avoir peur du noir. »

Neverwhere
Neverwhere de Neil Gaiman - Éditions Au Diable Vauvert - 493 pages
Traduit de l'Anglais par Patrick Marcel