Il était une fois un cadre supérieur d'une cinquantaine d'années qui venait de perdre son travail. Vêtu de sa meilleure volonté, il traversa le périphérique, atterrit dans cette forêt étrange de la banlieue parisienne pour suivre un stage "d'Action-Motivation". Là, il fit la connaissance de 6 autres cadres en mal d'emploi et d'une animatrice - Carole - rompue aux divers exercices de développement personnel. Le rite initiatique pouvait commencer : en guise de première épreuve, apparemment anodine, il suffisait de deviner quel était le métier des autres participants. Malheur ! Tous échouèrent à cet exercice de divination. Il fallait s'y résoudre, aucun d'eux n'avaient la Gueule de l'Emploi.

Que faire quand à 50 ans passés on vous apprend que vous n'avez pas la tête de votre boulot et qu'il ne faut donc pas espérer en retrouver un autre ? Et bien s'inventer des jobs pour lesquels on a justement cette fameuse gueule de l'emploi. Nos sept mercenaires s'allient donc pour le meilleur et pour le pire et créent les arnaques les plus invraisemblables. Après avoir établi leur Q.G. dans l'arrière salle d'un kébab, ils distribuent les tracts à tout va : besoin d'un faux témoignage ? d'une famille adoptive ? d'un sosie ? L.G.D.E. (La gueule de l'emploi) est là pour vous sortir de l'embarra. La rumeur de leurs succès se répand dans le quartier si bien que dans le Q.G. les biftons s'accumulent et le carnet de commandes déborde. Alors pourquoi voir petit ? Autant imaginer la plus grande arnaque du siècle ! Une arnaque qui ne réunirait pas moins de 6 millions de chômeurs ? Chiche !

J'ai lu ce roman très peu de temps après Les Clous de Tatiana Arfel, récit mettant en scène l'univers impitoyable de l'entreprise. Si les deux romancier poussent à l'extrême des situations qui malheureusement existent, Vincent Wackenheim a opté pour la farce là où Tatiana Arfel avait choisi le registre de la dystopie. Dans La Gueule de l'emploi l'écriture est truculente, un brin provocatrice et les protagonistes ont quelque chose des Marx Brothers. Les situations rocambolesques s'enchaînent les unes aux autres sur un rythme assez rapide et l'auteur en profite pour glisser au passage quelques remarques acerbes sur notre société de consommation. Car derrière la pantalonnade on retrouve bien sûr des préoccupations bien réelles : le chômage, les aberrations de Pôle Emploi, la discrimination, etc. 

Pourtant, malgré ces qualités, je n'ai pas été entièrement convaincue. Si j'avais loué l'humour déjanté de La revanche des otaries, j'ai été ici gênée par une gouaille qui m'a semblé un peu trop caricaturale et répétitive, et qui m'a empêchée d'adhérer pleinement au récit. Mais l'humour est toujours une entreprise délicate et subjective et ce qui fait hurler de rire les uns peut ennuyer les autres et vice-versa. Cette réserve est donc toute personnelle, et je ne doute pas que bientôt certains commentaires viendront me démentir. ;-)

Du même auteur :La revanche des otaries

Laurence

Extrait :

On y va a dit Carole, vous êtes sept, c'est un bon chiffre, observez-vous bien les uns les autres. Le but de l'exercice est de deviner la fonction et le secteur d'activité de tous les membres du groupe, avant que vous ne perdiez votre travail, bien sûr. Après quoi, chacun se présentera, et on comparera. Ne réfléchissez pas trop, je vous promets de drôles de surprises - elle pouffait comme une marmotte en goguette.
Drôle, ça n'était pas non plus le mot qu'on attendait, avec excentré et commode ça faisait quand même le troisième en moins de dix minutes. On avait redistribué les cartes, et ça tombait sur nous. J'avais dû commettre un crime hypergrave sans m'en rendre compte, moi ou mon arrière-arrière-arrière-grand-père, parfois le châtiment saute des générations, ça s'appelle le destin, on finit en prison.
On y va, elle a dit, vous pouvez y aller, allons-y.
On s'est tous regardé en coin, et puis on a foncé, c'était notre consultant référent qui nous le demandait, Yes sir ! Il y a des choses qu'on ne discute pas, surtout le premier jour. Les sept nain, direction la mine - et dans la joie. Question d'habitude. S'ils avaient su, ils s'y seraient pris à deux fois avant de nous embringuer dans leurs histoires, mais çà, ce sont des trucs qu'on dit après.

La gueule de l'emploi
La gueule de l'emploi de Vincent Wackenheim - Éditions Le Dilettante - 220 pages