Le récit commence dans les années 80. L'Afghanistan est alors occupé par l'armée soviétique. La jeune narratrice, encore à l'école primaire, ne comprend pas que ses parents ne partagent pas son admiration pour ces beaux soldats et leur drapeau rouge. À la maison, les intellectuels viennent consulter son père, et les discussions se prolongent jusque tard dans la nuit tandis qu'elle rêve de lâcher des colombes le jour du défilé national et d'épouser le beau Milad, son pianiste afghan, un jeune camarade de classe qui lui a sauvé la vie un jour de bombardement.
Alors le jour où ses parents décident finalement, face aux menaces, de fuir vers la France, la petite fille a l'âme et le cœur déchiré. Leur installation à Montpellier se fait dans la douleur : elle est l'étrangère, celle qui ne parle pas parce qu'elle ne connaît pas les mots. Et puis, les années passent et plus elle maîtrise le français, plus elle oublie le persan. Jusqu'au jour, où au détour d'une rue, elle voit sur un écran de télévision, deux avions percuter des tours américaines. Milad ? Où est-il ? Qu'est-il devenu ? Elle doit savoir, elle doit rentrer au pays. Le retour sur sa terre natale est un nouveau déchirement : tout a tellement changé...
La quatrième de couverture parle d'un premier « autoroman » et je pense le terme bien choisi : en effet, Le pianiste afghan n'est pas un énième témoignage, une énième auto-fiction larmoyante et nombriliste.
Chabname Zariâb signe un récit sensible et pudique. Si l'écriture reste assez simple, la romancière parvient à se faire oublier derrière la voix de sa jeune héroïne sans pour autant tomber dans la caricature d'une expression trop enfantine. Bien au contraire, au fil des pages et des années, le style se modifie avec discrétion et naturel, et les dernières pages laissent la place à la voix d'une jeune femme emprise de doute et de révolte.
Avec beaucoup de finesse, elle nous raconte son pays, loin des clichés et des visions manichéennes . Elle montre toute la complexité d'un pays qui n'a pas connu de réelle stabilité depuis maintenant un siècle : d'invasion en guerre civile, l'Afghanistan souffre et se divise.
Mais Le pianiste afghan est avant tout le parcours édifiant d'une enfant, exilée et à jamais étrangère : étrangère en France – parce qu'elle aura toujours à prouver son intégration et à justifier ses origines – ; étrangère dans son propre pays dont elle a oublié la langue et qui ne reconnaît pas aux femmes le droit d'exister pleinement.
Laurence
Extrait :
Kaboul gémit sous les explosions.
Maman nous cloue, ma sœur et moi, devant la télévision en haussant le son.
Les écoles sont fermées. La guerre a provoqué des pénuries de toute sorte. La foule s'amasse devant épiceries et boulangeries. Il n'y a rien dans les magasins et pourtant, je ne sais comment, maman nous déniche plein de films et de dessins animés.
Pour détourner notre attention, elle nous fait nous évader de pays en pays. Nous courons derrière Tintin au Congo. Le lendemain, nous chevauchons des lamas au Pérou. Des journées entières, j'endure les caprices et les gammes de la Castafiore. Il y a des jours où nous allons dix fois sur l'Île au trésors et quinze fois dans les Cités d'or.
Le pianiste afghan de Chabname Zariâb - Éditions de l'Aube - 206 pages
Commentaires
lundi 4 avril 2011 à 08h56
il me semble qu'il s'agit là d'une fort jolie découverte
mercredi 11 janvier 2012 à 12h05
Je vien de lire ce livre qui ma vraiment plus rien qu'a voir la couverture on a envie de le lire et je quand je l'ai lu il m'a bien plus .Je dit bravo a Chabname Zariâb!
lundi 30 avril 2012 à 15h05
Bravo et je suis fière
Vraimen