Nulle part au Danemark .Que fait donc là Bente, échouée sur un vieux banc face à la mer, dans l’attente d’un bus hypothétique, un soir de janvier ? On n’en saura pas grand-chose, pas même son véritable nom, et guère plus sur le jeune couple qui la recueille sans poser de questions et lui donne ce nom, Bente.
Quelques fragments de son passé récent se glissent dans son présent, la vie dans la maison du couple qui l’a adoptée : elle s’y love tout naturellement, jusqu’à remplacer les jeunes gens dans leurs activités lorsqu’un accident interrompt temporairement le cours de leur existence. Et c’est aussi naturellement qu’elle sera adoptée par la famille et les amis.

Chienne de vie est un roman minimaliste, qui procède par petites touches, phrases courtes, une pointe aiguë ça et là, pour évoquer des riens, un quotidien terre à terre, des vies fragiles et cabossées. Avec Bente, on sent le froid, la difficulté de se tenir sur un vélo lorsque vent et neige vous déséquilibrent, avec elle on voit le ciel et la terre mêlés, souvent d’une même couleur plombée, les champs vides, parfois traversés par un tracteur. Au froid de l’extérieur fait pendant la chaleur des intérieurs, chaleur du poêle, chaleur de la couette, du café bu par litres, chaleur humaine.

Pas vraiment séduite au début par ce livre, j’ai été sensible à l’art de la suggestion de l’écrivaine, qui mine de rien pose les questions essentielles sur l’existence, et à la justesse de l’évocation de la vie dans une campagne danoise, loin des lumières de Copenhague et de sa Petite Sirène. Un livre à découvrir.

Marimile

Du même auteur : Au présent

Extrait :

J’avais planté le massif de persistantes moi-même. Ma première année avec un jardin, avant la vague campagnarde des pois de senteur, des pivoines et de la sauge verte. Je n’aimais pas les jardins trop colorés ; je trouvais que les persistantes étaient une bonne solution. J’avais donc téléphoné au pépiniériste et demandé à être livrée. J’avais acheté des thuyas, des conifères et des désespoirs du singe, ces derniers avaient succombé assez vite heureusement. Les autres plantes avaient fané peu à peu, parsemées aux quatre coins du jardin dans leurs  pots. Le premier jour, je les avais placées à l’endroit ou je pensais les planter. Le lendemain, j’avais agencé le grand massif devant la maison, la terre était humide et lourde. Chacun de mes passages laissait des traces de boue dans l’allée. Le troisième jour, alors que s’annonçait l’automne le plus sec qu’on ait jamais vécu, j’avais perdu l’envie de jardiner. Tout ce qu’il y’avait dans les pots rendit l’âme. Mais vers la fin de la saison, le massif devant la maison se mit à pousser, certainement à cause du sol très humide au moment de la plantation.
Bjornvig complimentait mon massif. Quant à moi, j’avais pris l’habitude de regarder de l’autre côté quand je passais dans l’allée…à travers la fenêtre, mon regard est arrêté par les thuyas et les ifs, et en avril, l’épouvantable fleurissement des forsythias qui par bonheur ne dure pas. Un bon petit orage de printemps fait parfois des miracles.

Chienne de vie
Chienne de vie de Helle Helle - Éditions Le Serpent à Plumes - 230 pages
Traduit du Danois par Catherine Lise Dubost