Entrons dans les détails. A une époque non déterminée, une loi, la Loi Miziaud assimile les chercheurs à des "thésaréactionnaires" sans utilité publique. En bref, ils coûtent trop chers à la société pour un retour sur investissement considéré comme nul. Ils dissertent à longueur de temps sur des sujets n'ayant aucun intérêt sauf pour leurs auteurs, bien évidemment.

A Secrisy-la-Stalle dans un château isolé, des universitaires sont réunis pour un colloque traditionnel. Parmi eux, il y a Vladimir Marchet et sa femme Liliane. Cela ne vous rappelle rien ? Non ? Alors c'est que vous êtes peut être trop jeune pour le monde de J.B. Pouy. Tout se passe pour le mieux lors du colloque si ce n'est que V. Marchet note que ses collègues disparaissent juste après leur intervention. Y a anguille sous roche comme on dit. Et Vladimir d'interpeller sa femme : "Liliane, fais les valises. On rentre à Paris."

Si l'idée de départ, un colloque d'universitaire qui tourne en vrille, une société post-moderne qui rejette comme inutiles ces têtes chercheuses du rien, si l'écriture est incisive, grinçante d'humour noir, truffée de références à une époque politique faste en personnages haut en couleurs, au final, la mayonnaise ne prend pas. Enfin, à mon goût. On sent bien que l'auteur s'en est donné à cœur joie, qu'il s'est bien amusé. Il en profite aussi pour égratigné quelques auteurs (voir l'annexe 3). Cela dit, pour certains on ne regrettera pas la chose. Malheureusement, j'ai pas suivi. Tout au long de ma lecture, pourtant courte (peut être même à cause de cela), j'ai été interloquée. Je me trouvais devant un OLNI, un truc non identifié, surprenant, une chose qui s'arrête nette si brutalement que dire que je suis restée sur ma faim est un bel euphémisme. L'OLNI a quitté son pas de tir mais je l'ai perdu très vite en route. Si vous le trouvez tombé quelque part, vous me direz ? Parce que je cherche encore le point de chute.

Du même auteur : Le bar parfait, 1280 âmes, Rémy Cogghe, combat de coqs en Flandre.

Dédale

Extrait :

La première intervention portait sur les lettres inconnues et troublantes d'Yvonne de Gaulle (voir annexe 6) tentant de prouver que pendant sa "traversée du désert", le Général se livrait au catch sous le pseudonyme de "L'étrangleur de Champagne" - intitulé de son intervention. L'assistance, troublée, s'esclaffa de concert ce qui eut pour effet d'enfin déplomber l'atmosphère. Une fois libéré, le conférencier, Albert Fabien-Fabien, notaire à Bar-le-Duc, ancien sénateur, s'excusa auprès de ses connaissances et amis, et, avec son giton, partit au plus vite, juste après son exploit, en direction de Londres. Un taxi patientait déjà sur le gravier tiède de la cour.
Vladimir insista pour l'aider à porter leurs valises (les chercheurs et thésards ignorent superbement les valoches à roulettes) et s'étonna que le véhicule venu les récupérer ne ressemblât pas à un usuel tacot. C'était une belle limousine allemande conduite par deux types, charmants et froids, en costumes gris impeccables, qui, pensa Marchet, ressemblaient plus à des ex-miliciens d'Allemagne de l'Est qu'à des taximen de province. Mais il se persuada que Secrisy-la-Stalle décidément les gâtait et embauchait, pour ce genre d'occasions, des voitures particulières de location.
Il n'assista pas à la conférence suivante qui concernait les travaux dits "alimentaires" de François Mauriac (voir annexe 7), présentée par Laly Marchant, maîtresse de conférences à l'Université de Pau IV, l'une des ses rares ennemies intimes, inutile d'insister. En plus, Liliane la détestait et si jamais elle la croisait, elle pouvait tout à fait lui arracher les yeux avec les dents. Donc il valait mieux s'éclipser.

Liliane fais les valises
Liliane, fais les valises de Jean-Bernard Pouy - Éditions Atelier In8 - 60 pages