Tous ceux qui ont vu le Amadeus de Milos Forman ont dû se faire une petite idée sur les dernières heures du génie de Vienne. Si sur son lit de mort, composant les dernières notes de son fabuleux Requiem, Mozart était aux prises avec les fièvres, les douleurs, l'angoisse d'une nouvelle visite du mystérieux homme gris, commanditaire de cette œuvre, était bien plus forte. Les causes médicales de ce tragique décès sont toujours un mystère et bien des spécialistes ont développé leur thèse. Infection rénale, empoisonnement volontaire ou bien par imprudence ? Qui aurait eu intérêt à tuer Mozart ? Sa femme lassée de n'avoir jamais assez d'argent, sa belle-sœur ou bien comme on le croit depuis longtemps, ce n'est que l'acte d'Antonio Salieri, rival de Mozart. Ce serait facile car même Salieri a avoué son crime sur son lit de mort. Ne serait-ce pas plutôt la sanction infligée à tous ceux qui trahissent l'obligation de secret qui incombent aux membres d'une loge franc-maçonne ? Est-ce parce que Mozart aurait trahi ce secret avec sa Flute enchantée qu'il ait été sacrifié ? Points par points, E. Heine étudie toutes les possibilités. En tout état de causes, Mozart n'a eu droit qu'à des obsèques de troisième classe. Il ne reste rien ou presque de ce génie incontesté. Si ce n'est son mystère.
Après Mozart, E. Heine s'intéresse de prêt à la dépouille du grand Haydn. Mais pourquoi donc a-t-on décapité le maître viennois, celui qui a tenu tête à Napoléon ? Un fan inconsolable de sa disparition et souhaitant avoir une relique significative ?
Puis vient le portrait du diable en personne. C'est ainsi que l'on surnommait même de son vivant Paganini. Encore de nos jours, on se demande d'où lui est venu sa musique, la magie envoutante de ses Capricis, sa virtuosité. Un don du Diable ? Cela ne peut être que cela. Car l'homme en lui même n'avait rien pour attirer les foules. Homme à la peau livide, laid, silencieux, avare comme il n'était pas possible de l'être, comment arrivait-il à envouter son monde avec ses notes ?
Est-ce bien Paganini le sauveur de Berlioz ? Qui pourrait croire cela, lui si avare ? Aurait-il été le mystérieux donateur décidé de sauver Berlioz de la ruine ? Encore un mystère accroché à son nom. A moins que cela ne soit le premier acte de "marketing" lancé dans ce petit monde de la musique ?
En remontant le temps, E. Heine s'interroge aussi sur la mort de Tchaïkovski. Là, aussi, on en apprend de belles. Est-ce réellement une gorgée d'eau de la Neva qui a causé sa mort ?
Si l'auteur laisse son lecteur avec plus de questions que de certitudes, il est indéniable que sa façon de présenter les faits, les pistes et autres indices, le tout étayé par des recherches et références que l'on n'a aucun mal à croire vraies, sert parfaitement son propos. La curiosité est émoustillée comme dans les bons polars. Et franchement, on serait bien tenté d'en savoir un peu plus encore. Rien de tels que ces mystères pour ajouter encore plus de valeurs - si cela est possible encore - aux trésors musicaux que nous ont laissés ces magnifiques compositeurs que l'on aurait voulu éternels.
Dédale
Extrait :
Jamais personne ne l'entendit s'exercer. Quand on le questionnait à ce sujet, il répondait : "J'ai suffisamment répété dans ma jeunesse." Ses répétitions d'orchestre prenaient des allures de séances secrètes. Il ne commençait à jouer que lorsqu'il s'était assuré en personne qu'aucun intrus n'était caché dans la salle de concert. Il fermait lui-même les portes et fenêtres. Il ne distribuait les partitions aux musiciens qu'en début de répétition et ne manquait jamais de les récupérer ensuite, comme s'il redoutait d'être copié. Il ne répétait que les passages où il jouait avec l'orchestre. Pour ses solos, il se contentait de jouer les premières et les dernières notes. S'adressant aux musiciens, il disait en souriant : "Et cætera, messieurs."
Il réservait tous ses effets et toutes ses forces pour les soirs de concert.
[…]
Quiconque avait entendu jouer ce violoniste tombait irrémédiablement sous son charme diabolique, comme les enfants fascinés par le joueur de flûte de Hamelin. Et il ne s'agit pas là d'une exagération due à l'enthousiasme. Aujourd'hui encore, plus de cent cinquante ans après sa mort, nous percevons bien l'incroyable stupeur de ceux qui l'entendirent jouer. Même des sceptiques comme Heinrich Heine ou des connaisseurs comme Chopin étaient saisis d'une extase dithyrambique lorsqu'ils tentaient de rendre justice au miracle Paganini.
Qui a assassiné Mozart ? et autres énigmes musicales de E. W. Heine - Éditions du sonneur - 111 pages
Traduit de l'Allemand par Elisabeth Willenz
Commentaires
mardi 3 mai 2011 à 09h13
ça c'est noté car d'un part j'aime bien ce type de livre un peu multiple et cet éditeur jusque là m'a comblé, je n'avais pas repéré celui là , merci à toi
jeudi 5 mai 2011 à 21h14
De rien Dominique, De rien. Faudra revenir nous dire tes impressions d'après lecture
samedi 7 mai 2011 à 03h30
Bonjour,
il me semble que ce livre n'est pas encore au Québec. Vous savez s'il y sera bientôt ?