Alors, muni de quelques boutures de rosa candida, il quitte son vieux père et son frère jumeau autiste, et part à la recherche d’une roseraie mythique, loin dans un pays du sud. Arnjoltur, nouveau Candide, défriche et restaure une magnifique roseraie laissée à l’abandon par des moines peu intéressés par la nature, et va en même temps restaurer et reconstruire sa vie. L’Eden perdu qu’était la serre où il vivait en symbiose avec sa mère, et où par accident il mit enceinte « l’amie d’un ami », renaît à nouveau sous l’aspect de ce jardin du Sud. C’est là que le jeune héros retrouve sa petite fille et la maman de celle-ci.

Rosa Candida est un très, très joli conte initiatique, structuré en courtes séquences presque cinématographiques : un des personnages est un vieux moine cinéphile averti qui, par le biais du cinéma d’art et d’essai, tente de répondre aux questions existentielles que se pose et lui pose le héros. L’écrivaine se glisse avec aisance dans la peau de ce jeune homme atypique, dont les réflexions sont d’une fraîcheur et d’une drôlerie irrésistibles. Au travers de ces réflexions, les grands thèmes de la vie, du désir et de la mort sont abordés avec délicatesse et subtilité. Un humour discret irrigue tout le récit et ce n’est pas un des moindres charmes de ce roman très attachant.

Marimile

Du même auteur : L'embellie, L'exception

Extrait :

Au bout d’un moment, la comédienne… entame la conversation. Elle me demande d’où je viens. Je le lui dis. « C’est vrai ? »… « C’est comment là-bas ? »… Parle-moi de quelque chose de ton pays.
- Mousse.
- C’est gentil.
À peine ai-je prononcé le mot mousse, que sais que je suis dans le pétrin. Ce n’est pas possible d’étirer la mousse en sujet de conversation. Je pourrais tout au plus énumérer les variétés de mousses, mais ça ne serait guère un échange.
« Elle est comment la mousse ? »
Si j’avais accès aux mots, je dirais à cette étoile montante du cinéma que la mousse est une éponge filandreuse, qu’on met du temps à parcourir car si les premiers pas se font sans peine, quand il s’agit de traverser un vaste champ de lave couvert de mousse, c’est comme marcher toute la journée sur un tapis de gymnastique. Ça fait mal au tendon d’Achille de s’enfoncer dans la mousse pendant quatre heures d’affilée, ça peut représenter plus de courbatures que de grimper en haut d’une montagne. Si l’on arrache de la mousse, une plaie se forme dans le sol et la terre s’envole en poussière. Je serais tout disposé à lui dire quelque chose d’inhabituel, que personne ne lui aurait dit avant moi, mais mes capacités linguistiques ne permettent pas le moindre panache et si je mentionnais les nuances de la mousse et son odeur après l’averse, je serais dans le registre des sentiments, comme un homme qui va se fiancer. Je ne vais pas me laisser à lui avouer quoi que ce soit, et c’est pourquoi je n’en dis pas plus que ce que je maîtrise en grammaire : « Une plante qui est comme un tapis de gymnastique.
C’est drôle dit-elle.

Rosa Candida
Rosa Candida de Audur ava Olafsdottir - Éditions Zulma - 333 pages
Traduit de l’Islandais par Catherine Eyjolfsson