Dans cet opus deux, il est encore question de relique qui voyage dix ans après son premier périple, de voleurs volés, de tribulations, d'invasion de pigeons ou autre troupeau de puces, véritables calamités affectionnant tout particulièrement les moines. Selon le dicton, les voyages forment les esprits, alors pensez donc l'os d'un Saint. On suivra les manigances d'un frère Déodat très doué pour les translations. Ce frère dûment mandaté par son abbé depuis sa lointaine Auvergne sera poursuivi par ce doux et Ô combien (ou "haut" combien ) innocent frère Bernard. Parce qu'il ne faut pas croire, notre cher frère Bernard y tient à sa relique ! Et le lecteur tient aussi à son Bernard comme le sont également les moines Abdon et Jérôme.
Voilà tout ce beau monde sur les routes. Ce qu'ils ne savent pas c'est qu'ils vont faire la découverte d'un pays merveilleux. Celui de frère Jean.
On trouvera encore cet humour apte à vous mettre très vite un continuel sourire aux lèvres, vous tartiner le cœur d'un baume bien épais de douceur et de tendresse pour nos trois larrons. Ces histoires faussement religieuses à part peut être de cette religion de l'homme simple mais bon (tiens, on dirait frère Bernard) quand bien même il est parfois voire très souvent le cas source de catastrophes. Suivez mon regard !
Jean-Louis Marteil récidive encore dans son art de dresser les portraits. On retrouvera Frère Anselme, l'herboriste à la tête chevaline, "une tête à faire rire les carpes" et un frère Thomas au mieux de sa forme. On découvrira combien une abbaye est comme un village. Quand on lui vole sa relique, rien ne va plus et les caractères reprennent le dessus sur les principes de la Règle. Même l'abbé s'y met. C'est le grand bazar ! Pour des situations plus cocasses les unes que les autres, cette histoire est la votre. J'en veux pour preuve cette excellente conversation au pied d'une croix entre frère Bernard et un vieux porteur de fagot. Comme exemple de dialogue de sourds, on ne fait pas mieux. Un vrai délice !
Bien évidemment Abdon et Jérôme en sont pas en reste surtout quand ils croiseront trois pèlerins en route pour Compostelle. Eux aussi valent le détour.
J'abrège pour ne pas vendre trop vite la mèche. L'os de frère Jean est donc une histoire de voleur volé le tout deux fois. Jamais Saint Vincent n'aura autant voyagé, vécu autant d'aventures. Mais les miracles existent peut-être car avec J.L Marteil, les reliques peuvent décider de voir du pays et puis de s'en retourner au bercail comme si de rien n'était. Si, si. Lisez donc !
Au final tout rentre dans l'ordre, les liens unissant nos trois compères en sortent un peu plus renforcés. En somme, ne seraient ils pas dignes d'être accueillis au pays de frère Jean ? C'est tout le mal qu'on leur souhaite.
Voilà. Je ne vous en dis pas plus. Pour ma part, je prolongerai très vite la prescription de Maître Marteil avec l'opus trois de ces aventures de moines peu communs. Attention au vol de l'aigle, ça risque de promettre. La déprime n'est pas pour tout de suite.
Dédale
Du même auteur : La chair de la salamandre, La relique, Le vol de l'Aigle, Oradour-sur-Glane, aux larmes de pierre, L'assassinat du mort
Extrait :
« Il y a un petit monastère, par là », avait expliqué la femme en baissant la voix, « tout proche… » D'un ballottement de son triple menton, elle avait ensuite désigné un étroit sentier, vers les sous-bois. « Les moines t'accueilleront, même sans argent. »
Le géant affamé s'était donc obligé à faire suivant son conseil.
Et en effet, les frères de cette communauté l'avaient reçu sans réclamer de contrepartie en aucune manière croyant en sa parole, négligeant même de s'assurer qu'il ne mentait pas sur sa soi-disant inexistante fortune. Du coup, un étonnement têtu s'était emparé du géant et il avait réfléchi – comme quoi les lueurs pouvaient aussi parfois se prolonger -, notamment au sujet de ces problèmes d'argent, de gratuité, de charité… En sa propre abbaye, avait-il songé, Thomas entendait tout monnayer au point qu'il aurait vendu sa robe si elle avait pu intéresser quelqu'un ! Certes, ce n'était point chez lui qu'un moine de passage eût été reçu de la sorte, sans paiement, au vu de sa seule bonne mine, simplement pour l'amour de Dieu et de ses créatures. À tout nouvel arrivant, la première chose que demandait Thomas, c'était : « Combien possédez-vous ? » Ensuite, quelque fois, il disait bonjour… et son disciple Antoine, le frère hôtelier, avait adopté cette constructive attitude, dès sa prise de fonction. Un instant, alors que le sommeil, enfin, allait le vaincre, Bernard avait sursauté : il venait de penser que chez lui, relique oblige, on ne pratiquait plus depuis longtemps la charité, pas plus que la simple hospitalité. Cet os, après lequel il courait tel un imbécile, avait enrichi l'abbaye, c'était un fait incontestable. Il avait même guéri des malades, réparé des blessures, rendu la vue à des aveugles et l'ouïe à des sourds – Jérôme aurait sans doute ajouté qu'il avait seulement oublié de rendre le comprenoir à Bernard, mais c'était une autre affaire… Il n'empêche : l'os avait aussi corrompu l'esprit chrétien de la désormais prospère communauté, ce qui, venant d'un saint, était pour le moins surprenant. Au fond, c'était en revenir toujours au même point, et Jésus l'avait bien dit, que pauvreté valait mieux que richesse, et rien ne pourrit plus un cœur humain que l'argent et le pouvoir ! En somme, le mieux demeure l'ennemi du bien, quoi que l'on en dise, et Bernard approchait de cette vérité essentielle quand la lueur, brusquement et sans prévenir, s'était éteinte. Les ronflements avaient pris le relais.
L'os de frère Jean de Jean-Louis Marteil - Éditions La Louve - 253 pages
Commentaires
lundi 13 juin 2011 à 10h22
j'attends avec impatience de lire "la relique"... mais pour l'instant je dois attendre la prochaine vague de cadeaux... pour la sainte Anne... puisque mes hommes se sont plantés à la fête des mères...
lundi 13 juin 2011 à 11h55
Ahhh ces hommes !! On ne les changera pas. Courage, Mazel, tu arriveras bien, je l'espère, à lire ce cycle.
lundi 13 juin 2011 à 21h44
Cette trilogie m'a fait passer des moments fameux ! Je suis d'accord avec tout ce qui tu dis !!
mardi 14 juin 2011 à 09h18
moi aussi je suis complètement d'accord avec tout ce que tu penses, c'est fou comme c'est plaisant et je suis ravie qu'un article ait été publié !
Merci encore car votre site et le site coriolan in red sont les sites que je consulte le plus en ce moment !
Bonne journée
mardi 14 juin 2011 à 09h30
Lili Galipette, Francesca, merci pour vos avis qui vont aussi ravir l'auteur. J'en suis certaine