Comme Mishi Saran avait suivi dans Par-delà les montagnes céleste les traces du moine pélerin Xuanzang dans une Inde où le bouddhisme était déjà sur le déclin au VIIe siècle, William Dalrymple est parti sur les traces du moine chrétien Jean Moschos qui avait voyagé à une époque voisine dans l'empire byzantin qui commençait alors déjà à décliner. Il a entrepris ce projet parce qu'il pensait que quelques années plus tard, le christianisme aurait complètement disparu dans certaines régions. Il veut aller contre l'idée que le christianisme serait une religion d'Occident (qui n'aurait pas sa place en Orient) et mettre en lumière certaines contributions, au cours de l'histoire, des chrétiens d'Orient dans le christianisme.
Dans la première partie du livre, William Dalrymple se rend dans un monastère du Mont Athos en Grèce pour consulter un très ancien exemplaire de l'œuvre de Jean Moschos : Le Pré spitiruel. Un exemplaire de poche de ce livre sera son compagnon de route pour le reste du voyage. Chacune des cinq parties suivantes est consacrée à un des pays visités, dans l'ordre : Turquie, Syrie, Liban, Israël & Cisjordanie, Égypte.
Le voyageur passe d'une cellule de monastère à une autre. Il fréquente aussi quelques hôtels, utilise souvent des voitures avec chauffeur pour quelque excursion ou pour un trajet plus long. Il est constamment à la recherche de vestiges d'édifices datant de l'époque byzantine. L'auteur connaît manifestement très bien son sujet et transmet avec passion son intérêt pour l'architecture, l'iconographie, la musique religieuse, la théologie. Il explique comment certaines villes ont abrité pendant longtemps des adeptes de toutes sortes de religions et hérésies.
Outre les vestiges ou ruines, l'auteur va aussi à la rencontre des
chrétiens : moines, prêtres, universitaires, simples croyants. Il leur
demande comment la situation de leur communauté a évolué lors des années ou
décennies précédentes face à des crises d'origines diverses : génocide
arménien, guerre au Liban, volonté de gouvernements d'effacer les vestiges
chrétiens pour soutenir une autre religion, décolonisation, terrorisme
islamiste, etc. Parfois, l'âge avancé des moines conduit des monastères à
l'extinction. Quelques religieux ou ermites rencontrés sont en quelque
sorte les derniers
. Les tensions politiques ou communautaires, le
sentiment d'être un citoyen de deuxième classe et d'autres causes
conduisent beaucoup de chrétiens à émigrer dans des pays occidentaux.
D'autres, au contraire, ont décidé de rester coûte que coûte. Dans tous les
cas, comme dans Neuf
vies, les vivants dialogues rendant compte de ces conversations
singularisent les personnes rencontrées et ne sont pas sans émotions.
Le travail de recherche de l'auteur est très fouillé. S'il mobilise ses
connaissances universitaires (auxquelles se joignent la sincère foi d'un
catholique écossais), l'auteur est aussi un observateur assez fin des pays
qu'il visite, et bien informé sur leurs contextes politiques respectifs.
Que l'on s'intéresse ou non aux églises byzantines, ce livre me semble une
très intéressante source d'information pour mieux comprendre le
Proche-Orient, ce que les événements récents rendent d'autant plus
intéressant.
Du même auteur : Neuf vies
Extrait :
Ce tombeau souterrain, qui, au premier abord, ne provoquait qu'un sentiment d'irréalité, était en fait d'une importance cruciale. En effet, par un caprice du destin, cette petite chambre funéraire consacrée à un membre de la classe moyenne supérieure était le seul site de la ville à n'avoir subi pratiquement aucune altération depuis les temps anciens d'Alexandrie. C'était donc un des rares témoignages de ce qui s'y passait tandis qu'elle s'apprêtait à devenir la capitale intellectuelle du monde chrétien. Et s'il fallait en croire ces catacombes, avec leurs singulières sculptures syncrétiques, il y régnait un exceptionnel climat de tolérance et d'audace intellectuelle. À Alexandrie, on cherchait à réaliser la fusion des contraires jusque dans la mort en réconciliant deux traditions artistiques, deux panthéons radicalement différents et en mélangeant les déités aussi allégrement qu'on y mixait les cocktails au temps de Lawrence Durrell.
Tel était donc le monde enivrant où le christianisme allait être parachuté (à la fin du Ier siècle) — et d'où il allait ressortir paré de fondements théologiques et d'expressions artistiques définitivement bouleversés.
Dans l'ombre de Byzance de William Dalrymple - Éditions Phébus libretto - 604 pages
Traduit de l'anglais par
Hélène Collon
Commentaires
vendredi 25 novembre 2011 à 22h51
Je vous prie de bien vouloir m'indiquer le nom et l'adresse de l'éditeur, car ce livre m'intéresse énormément. J'ai déjà lu un passage qu'une amie a eu la gentillesse de me recopier.
vendredi 25 novembre 2011 à 23h16
Ce n'est pas un livre ayant une diffusion confidentielle ! Le nom de l'éditeur de cette réédition au format poche apparaît ci-dessus ; la traduction française avait d'abord paru en grand format chez Noir sur Blanc. Demandez-le à votre libraire, c'est son métier !
samedi 26 novembre 2011 à 09h39
Merci Joel !
J'ai proposé ce livre, comme cadeau à offrir, à mes amis du forum d'armenews :
http://www.armenews.com/forums/view...