On y retrouve avec un plaisir non dissimulé nos trois bénédictins : Abdon, Jérôme et Bernard. Pour de bien mauvaises raisons dont la première n'est autre que de vouloir se débarrasser d'eux – pensée si peu charitable s'il en est – ils sont envoyés sur un hypothétique chemin de Compostelle. Ils ont pour mission de retrouver les trois aigles, enfin, les trois frères, Jean, Aicart et Eléazar rencontrés dans L'os de frère Jean.
Bien évidemment, nos trois compères vont vivre encore bien des aventures surtout que dans leur malignité, leur abbé, frère Thomas le cellier et frère Anselme le vipérin herboriste qui les déteste au plus haut point, vont leur adjoindre un compagnon surprenant et très très imprévisible. Pour corser le voyage bien assez périlleux sans, nos frères sont dotés de l'âne Morel.
Ah que je l'aime cet âne Morel ! Voilà encore une riche idée de l'auteur ! Parce que vraiment, il fallait l'inventer ! Imaginez donc, un âne tout ce qu'il y a de plus âne, avec quatre pattes, deux grandes oreilles fonctionnant comme une sorte de sémaphore pour exprimer ses pensées profondes et notamment son refus obstiné pour tout ce qui s'apparente à un travail. Je ne vous en dis pas plus et vous laissez faire connaissance avec cette bestiole si attachante. Si, si, vous verrez. Vous aimerez comme moi ces « Pok » rythmant à bon escient ces pages truculentes.
En attendant le retour ou pas des voyageurs, la vie de l'abbaye n'a pour autant pas retrouvé son calme. Entre Frère Thomas qui menace de mourir dès qu'un sou quitte les caisses de l'abbaye, et un Frère Anselme totalement piqué de miracle en délaisse ses choux et sa chère sarclette pour se faire sculpteur d'aigles pour la plus grande gloire de Dieu, à moins que cela ne soit pour la sienne d'abord (Charité bien ordonnée…) Il n'y a bien que Frère Gabriel à garder un peu les pieds sur terre et sentiments chrétiens pour s'inquiéter de ses frères envoyés sur les sentiers plus ou moins dangereux.
Entre aventures et belle rencontre avec Joan, le ménestrel normand au talent insoupçonné avec les ânes, Frère Jérôme savoure les joies du tourisme avant l'heure, le simple fait de découvrir des sites, des paysages et d'en apprécier leur beauté. Nos frères découvriront également les règles, enfin leur absence plutôt, du jeu nommé la soûle, ancêtre du football ou du rugby. Sous la plume de J-L Marteil, les mêlées sont dignes des plus belles empoignades du village d'Astérix. Attention à la casse !
Voilà, vous savez tout ou presque. Dire que je n'ai pas apprécié cette histoire serait mentir honteusement. Je n'ai qu'un seul reproche à faire à l'auteur : celui de nous obliger à quitter Jérôme, Abdon et Bernard. On se console en se disant que l'on est pas prêt de les oublier de sitôt. Mais si Mr l'auteur se prend à les faire revenir, on ne sera pas contre. Un miracle est si vite arrivé !
Dédale
Du même auteur : La relique, l'Os du frère Jean, La chair de la Salamandre, Oradour-sur-Glane, aux larmes de pierre, L'assassinat du mort
Extrait :
Abdon était taciturne, et cela ne lui ressemblait guère. En vérité, il paraissait porter un poids plus lourd qu'à l'accoutumée... vu son embonpoint, ceci n'était pas peu dire ! Frère Jérôme commençait même à en concevoir une vague inquiétude.
Comme les voyageurs arrivaient non loin de Moissac, le maigre se décida :
« Qu'as-tu, mon frère ? » demanda-t-il. « Tu parles si peu que tu n'en réclame même plus à manger !
- Je vais bien. Je marche », bougonna Abdon.
Morel aussi marchait. Et d'un bon pas, pour tout dire. Une demi-lieue avant, Jérôme avait parlé d'avoine. Cette seule évocation, brève et faussement chuchotée, avait redressé d'un coup les deux oreilles de l'âne et chassé de son regard l'expression butée qui y stagnait presque en permanence depuis le matin. Maintenant, Jérôme s'interrogeait : Abdon n'avait même pas souri. Devrait-il être remplacé par l'inénarrable Morel en matière d'engloutissement de nourriture ? Ce n'était pas cela,pourtant, le plus ennuyeux : c'était sans conteste cet air de tristesse profonde collée au visage du gros, ce visage au milieu duquel deux bons yeux baignaient dans des larmes refusant encore de s'écouler.
« N'as-tu point un peu faim, malgré tout ? » s'inquiéta Bernard qui, semblait-il, avait lui aussi remarqué le manque d'enthousiasme de son ami. « Pain et fromage sont déjà loin dans les talons…
- Nous sommes des inutiles », marmonna simplement Abdon, comme pour lui-même… « Des bouches inutiles à nourrir...
- Allons ! » essaya Jérôme… « C'est ce que disent les autres !
- Justement ! Si tous le disent, il doit y avoir un fond de vérité », répliqua sèchement Abdon.
Jérôme, avec sincérité, chercha un argument… Quelque chose d'imparable, de définitif. Il devait trouver. Il crut trouver :
« Si nous sommes si inutiles, pourquoi pense-t-on à nous, chaque fois, pour accomplir les plus périlleuses et les plus délicates missions, en ce cas ? »
Mais le maigre comprit aussitôt que ceci n'était pas le bon argument. C'était même le plus mauvais qu'il pût trouver. Abdon se rembrunit encore : « Tu n'as point compris ? » fit-il. Puis il dévisagea Jérôme avec une lueur de reproche dans les yeux. « Bien sûr, tu l'as compris. Tout ceci n'est que prétexte pour nous éloigner d'eux. Je gage que nos frères espèrent que l'on se perdra, si possible définitivement ! Cette fois, ils nous ont même confié cette carne de Morel… Avoue-le : s'ils voulaient nous voir réussir, ils n'auraient point fait ça ! »
Jérôme chercha Morel des yeux.
« Ils voudraient bien que nous perdions l'âne », dit-il… « C'est certain. Mais nous ? »
Ce faisant, il s'aperçut que l'animal s'était arrêté net, la mine plus butée que jamais. Le bestiau était-il vexé ?
Le vol de l'aigle de Jean-Louis Marteil - La Louve Editions - 255 pages
Commentaires
mardi 5 juillet 2011 à 13h11
pas eu de veine pour la fête des mères... mes hommes ont oubliés !!! heureusement, ils pourront se rattraper en m'achetant les 3 volumes pour mon anniversaire, très bientôt...
mardi 5 juillet 2011 à 19h26
Mazel, une technique pour qu'ils n'oublient pas pour ton anniversaire et surtout ce cadeau là. Tu laisses trainer pleins de post-it partout avec les titres écrits dessus. A la longue, ils vont bien comprendre le message ?? Non ?
Sinon gare à eux !! 
mardi 5 juillet 2011 à 22h45
On peut aussi les inonder de mails, façon spam en rafale, voyez ?
mercredi 6 juillet 2011 à 08h44
Bonjour JL. Oui, on pourrait envoyer les spam, mais avec les anti-spam, je ne suis pas certaine que les cibles soient atteintes comme il faut.

Au pire, on pourrait les menacer de leur envoyer Morel... l'arme fatale
mercredi 6 juillet 2011 à 11h33
Non, ça c'est trop risqué... surtout s'il est de mauvais poil !
mercredi 6 juillet 2011 à 11h36
Justement, la menace, juste la menace

mercredi 6 juillet 2011 à 11h38
C'est vrai. Morel est dissuasif... C'est prouvé deux ou trois fois dans le roman.
mercredi 6 juillet 2011 à 21h38
Voilà, dissuasif. Mais shuuutt, faut pas tout dire !!
Sinon, ils vont plus vouloir lire les livres 

Mais bon, rien que d'y repenser, je rigole encore