Quand Audrey est envoyée en reportage au hameau des Purs pour enquêter sur l'incendie, elle sait que les souvenirs vont irrémédiablement refaire surface. Ce hameau, elle y a passé toutes ses vacances, dans la maison de ses grands-parents paternels.  Aujourd'hui, elle compte bien s'appuyer sur cette connaissance intime du hameau pour donner à son employeur le reportage qui lui offrira la reconnaissance de ses pairs. Mais pour cela, elle devra mettre à jours des secrets trop bien enfouis.

Divisé en trois actes, le roman commence par nous plonger dans les souvenirs de la jeune Audrey, quand elle allait en vacances chez ses grand parents. Elle n'était pourtant pas la bienvenue : elle était l'étrangère, celle dont le père avait osé quitté le clan par amour. Une paria que les autres enfants ne devaient pas fréquenter. Pourtant, la jeune Audrey aimait cet endroit, perdu  au milieu d'une nature parfois hostile. Elle aimait surtout passer ses journées avec le Gars, un grand adolescent frustre et sauvage qui vivait non loin du hameau. Dans cette première partie, Sonia Delzongle attache une importance toute particulière au décor et à l'atmosphère : la nature est omniprésente mais l'ambiance y est inquiétante et pesante. Le lecteur commence à entrevoir toute la boue et les mensonges qui ensevelissent ce hameau depuis plusieurs années.

Retour au présent avec le deuxième acte. Audrey est intimement persuadée que cet incendie a un lien non seulement avec l'Empailleur mais également avec une vieille photo entraperçue un jour chez sa grand-mère. Alors elle fouine et interroge pour découvrir l'identité du meurtrier. Cette seconde partie donne la part belle à l'enquête. On retrouve les codes du roman policier : des flics, des filatures, une enquête qui semble s'enliser, un tueur qui a toujours une longueur d'avance. Et Sonia Delzongle s'en sort plutôt bien. Au fil des pages, le mystère s'épaissit et même si lecteur dispose de quelques indices, il ne parvient pas à totalement démêler le faux du vrai. On est donc en apnée quand commence la troisième partie.

Et là, c'est la chute vertigineuse. Sonia Delzongle a choisi un volte-face aussi inattendu que brutal. Et bien que j'aime être manipulée dans un récit et ne pas voir venir les retournements de situation, j'ai ressenti ici frustration et déception, tant la rupture est abrupte. On a d'abord l'impression que Sonia Delzongle laisse en plan tout ce qu'elle avait construit jusque-là, tous les indices qu'elle avait semés, et le dénouement qui se profile apparaît alors comme un subterfuge narratif un peu trop facile. Et puis, sans qu'on s'y attende, on retrouve tout à coup les rails de l'intrigue initiale et les fils finissent par se démêler. Malheureusement, je me suis sentie bien trop ballottée dans un sens et dans l'autre pour adhérer à ce dernier acte qui m'a semblé un peu trop alambiqué. Peut-être le premier revirement n'était-il pas nécessaire et l'histoire aurait été toute aussi riche et intéressante sans ces quelques pages qui m'ont perdue en route.

Je le regrette d'autant plus que les deux premières parties m'avaient vraiment séduite et que j'étais curieuse de voir comment tout cela allait se dénouer. Il me restera malgré tout des images fortes et des personnages très réussis (en particulier ce Gars fascinant et inquiétant).

Du même auteur : La journée d'un snipper, À titre posthume

Laurence

Extrait :

Les quelques fois où je venais au hameau en hiver, je voyais rarement le Gars. Léman. Là, à cause de la burle, prisonnière des congères, j'ai passé le plus clair de mon temps à la maison, sans pouvoir aller et venir. Mais je le sentais qui rôdait. Le crissement étouffé de ses pas dans la neige mêlé aux feulement du vent. Les croassements sinistres de son corbeau domestiqué. La burle ne le retenait pas à l'intérieur. Par tous les temps, il allait poser ses pièges dans la forêt. Prendre quelques lapins. Et pêcher aussi. Il allait au petit lac, cassait la glace d'un coup de pioche et passait sa ligne à travers le trou. Par ce froid, les animaux étaient des proies faciles. Ils avaient faim. Les appâter devenait aisé. Affamés, ils se livraient sans défense.

Le hameau des Purs
Le hameau des Purs de Sonia Delzongle - Éditions Cogito - 380 pages