Pour ces quatre jeunes gens, la vie à Edimbourg est loin d'être la panacée. Ils sont pourtant fiers de leur ville, et pour rien au monde ne quitteraient cet endroit qui est le centre de toute leur vie. Celle-ci tourne autour du sexe, grande affaire de ces gamins qui rivalisent dans les conquêtes féminines, en particulier Terry, et qui craignent d'être le dernier à être dépucelé. Vie qui a également pour attraction le football, avec l'opposition des deux équipes de la villes (Heart of Midlothian, les protestants, contre Hibernians, les catholiques) et des matchs qui donnent souvent lieu à des batailles rangées.

Mais l'attraction d'Edimbourg devient, en particulier pour Carl, de moins en moins forte. Un voyage ensemble en Italie en 1990 pour assister à la Coupe du Monde, puis un séjour à Munich lors de la fête de la bière ouvrent les yeux de certains d'entre eux sur la richesse de ce qui existe en dehors de leur ville d'origine. Carl, devenu un DJ reconnu, prend ses distances avec le monde de son enfance et par là-même, avec ses amis.

Pour ceux qui restent, comme Terry,  l'univers semble bouché : pas de boulot en perspective, et un retour douloureux chez sa mère. Pour Billy, même si sa carrière de boxeur est avortée, il réussit à rebondir sur sa renommée pour sortir du marasme dans lequel la ville est plongé. Enfin, Andrew, le petit dernier, le plus atypique de la bande, le moins expressif, paie cher sa vie de débauche.

Irvine Welsh, que je découvre pour l'occasion, fait d'Edimbourg le cœur du roman. Ce dernier est à la fois la narration de l'initiation de quatre amis à la vie, sexuelle, amoureuse ou professionnelle, mais également une chronique de l'évolution de cette ville. La fin du roman, dans les années 2000 au moment du festival qui anime la ville, est en opposition totale avec la vie de certains habitants comme Terry, à mille lieux de la vie mondaine qui peut y exister.

Roman social, qui plonge chez les classes populaires, parfois cru à la fois dans le langage et dans la relation au sexe, Glu laisse une impression de misère terrible qui pèse sur la ville. Mais par la présentation de ces quatre personnages (une partie, à chaque époque évoquée, est consacrée à l'un d'entre eux) permet de montrer que surmonter cette misère est possible, par différents moyens, mais que le prix à payer est certainement de couper quelques liens avec le passé.

Yohan

Extrait :

Temps partiel

Y a des fois où le chômage, c'est pire que la Sécu. D'autres vous diront que c'est pire. Un putain de débat académique, et si vous voulez mon avis, c'est une seule et même merde : des connards qui foutent leur sale pif dans vos affaires. Ouais, ces cons m'ont appelé, du coup je me retrouve à Castle Terrace pour mon rendez-vous. Votre Bibi ici présent, pile à l'heure, mais l'endroit est bourré à craquer. Ça va prendre des putains de plombes, vu comment c'est parti. J'attends sur une des chaises en plastoc rouge en compagnie de pauvres nazes, et j'essaie de me mettre à l'aise. Tous pareils : écoles, postes de police, taules, usines, bureaux de la Sécu et du chômedu. Partout, ils te contrôlent. Les murs jaunes, les néons bleuâtres, les panneaux d'affichage où sont punaisés un ou deux posters défraîchis. Le premier mot de ces affiches, c'est toujours "Non", soit ça, soit ils dévoilent un de ces deux messages. Ou bien : on vous a à l'oeil, bande de cons ; ou bien : balancez donc vos potes et vos voisins. Celui que j'ai sous les yeux actuellement, on le retrouve partout :

Vous connaissez un profiteur ?
Un coup de fil, à la bonne heure.

Glu
Glu d'Irvine Welsh - Éditions Au diable vauvert - 672 pages
Traduit de l'anglais par Laura Derajinski