Teresa Mendoza, au départ n’est que la compagne d’un passeur de drogue le Guêro Davila, un as de l’aviation. Son destin bascule le jour ou celui-ci est abattu, car il a trahi ses chefs. Une règle implacable veut que tous les proches du traître soient tués. Teresa est donc la future victime. Un carnet laissé par Davila est sa seule chance de survie à condition qu’elle ne sache rien de son contenu. Teresa réussit à convaincre son parrain don Epifanio Vargas, mafioso reconverti dans la politique, de son ignorance et échange le carnet contre sa propre vie. Aidée par Vargas, elle s’enfuit en Espagne et échoue à Melilla, enclave espagnole au Maroc, et siège de tous les trafics. À partir de là commence une autre vie, ou plutôt d’autres vies pour Teresa la fugitive.
Grâce à son intelligence, son don pour les chiffres, sa capacité à saisir les opportunités que lui offrent des rencontres décisives, elle devient cette femme d’affaires richissime et secrète, surnommée la Reine du sud, qui à la fin, va retourner au Mexique solder une vieille vengeance.
Le récit des aventures de Teresa se présente sous la forme d’une enquête que mène le propre Arturo Pérez–Reverte, à la recherche d’informations sur la vie et la personnalité de cette femme énigmatique. L’auteur mêle donc témoignages de ceux, amis et surtout ennemis, policiers et gens de justice qui ont connu Teresa, et sa propre interprétation des sentiments, faits et gestes de son héroïne. Cet agencement narratif, d’une grande virtuosité, donne plus d’épaisseur au personnage, mais le rend aussi plus complexe. En définitive, Teresa échappe à tous y compris à son créateur, pour devenir un mythe, célébré dans les corridos (chansons) mexicains.
La Reine du Sud, histoire politiquement incorrecte, est un livre fascinant, au rythme haletant, qui se lit avec avidité comme les romans d’Alexandre Dumas qu’affectionne A. Pérez-Reverte, et qu’à sa suite découvre Teresa Mendoza. Dans la longue liste de ses romans, c’est un de mes préférés.
Du même auteur : Le pont des assassins, Cadix ou la diagonale du fou, Le peintre des batailles, Le tableau du maître flamand, Le tango de la vieille garde
Marimile
Extrait :
Douze années s’étaient écoulées depuis cette après-midi ou Teresa Mendoza s’était mise à courir dans la ville de Culiacàn. Ce jour-là, début du long voyage aller-retour, le monde raisonnable qu’elle croyait avoir construit à l’ombre du Guero Dàvila s’était écroulé autour d’elle - elle avait pu entendre le crépitement des morceaux qui s’éparpillaient-, et elle s’était vue soudain en danger et perdue. Elle avait laissé le téléphone pour parcourir l’appartement en tous sens, ouvrant les tiroirs à tâtons, aveuglée par la panique, cherchant un sac pour y fourrer quelques effets indispensables avant de s’enfuir. Elle voulait pleurer son homme, ou crier jusqu’à s’en arracher la gorge ; mais la terreur qui l’assaillait par vagues comme des volées de coups paralysait ses gestes et ses sentiments. C’était comme si elle avait mangé un champignon de Huautla ou fumé de l’herbe très forte, douloureuse,qui l’avait mise dans un corps étranger au sien sur lequel elle n’avait aucun contrôle. Et c’est dans cet état qu’après avoir passé en hâte, maladroitement, un jean, un chemisier, des souliers, elle avait descendu l’escalier en vacillant, encore mouillée sous ses vêtements, les cheveux humides, avec un petit sac de voyage contenant le peu de choses qu’elle avait réussi à y glisser, froissées et en vrac… Ils iront tout de suite à la maison, l’avait prévenue le Guero. Ils iront voir ce qu’ils peuvent y trouver. Et il vaut mieux qu’ils ne t’y trouvent pas.
Elle s’arrêta dans la rue, indécise, précaution instinctive de la proie qui flaire la présence toute proche du chasseur et de ses chiens. Face à elle s’étendait la complexe topographie urbaine d’un territoire hostile. Colonie Las Quintas : larges avenues, maisons discrètes et confortables avec bougainvillées et belles voitures garées devant. Et voilà que soudain la pharmacienne d’en face, l’employé de l’épicerie ou elle avait fait ses achats au cours des deux dernières années… lui semblaient dangereux, à l’affût. Elle n’aurait plus d’amis, avait conclu le Guero avec ce rire indolent, que parfois elle adorait et d’autres détestait de toute son âme. Le jour où le téléphone sonnera et où tu te mettras à courir, tu seras seule, ma belle. Et je ne pourrai pas t’aider.

La Reine du sud de Arturo Pérez-Reverte - Éditions Points - 522 pages
Traduit de l’espagnol par François Maspéro
Commentaires
mardi 23 août 2011 à 10h26
Moi aussi, l'un de mes préférés. cela fait plaisir de lire une chronique de ce roman qui n'est pas souvent mis en avant par rapport aux titres de l'auteur.
samedi 27 août 2011 à 11h09
Très intéressant. De Arturo Perez Reverte j'avais trouvé fascinant le face-à-face du "Peintre des batailles. Plus connu, j'avais également recommandé la lecture du "Tableau du maître flamand", les deux ouvrages chroniqués sur BIBLIOBLOG. Mais cette "Reine du sud" donne vraiment envie d'aller à sa rencontre. Traduit par François Maspero, en plus, qui est par ailleurs un auteur excellent.
jeudi 1 septembre 2011 à 19h23
Emmyne, enfin quelqu'un qui a lu et aimé ce roman, négligé par les lecteurs d'A.Perez Reverte, j'ignore pourquoi!
jeudi 1 septembre 2011 à 19h25
Alice- Ange,je pense que tu vas beaucoup aimer!