Contre toute attente, ce drôle de duo va plutôt bien fonctionner pendant près de 20 ans. Titou est devenu un solide gaillard et, si ce n'est une étrange passion pour la construction de barrière, un adulte plutôt sensé. Pépé Jack, quant à lui,  va bientôt fêter son centenaire et conserve une énergie et une gouaille pour le moins surprenantes.

Mais tout va s’accélérer en cette année de 1978 avec le premier rhume de Pépé Jack et l'arrivée d'un petit caneton. Petit caneton qui va rapidement grandir et devenir un col vert femelle aux dimensions gargantuesques.

Quel régal ! Derrière la centaine de pages de ce récit on trouve une plume acérée et un humour dévastateur. Dans la version originale, le canard est baptisé « Fup duck ». Si le jeux de mots est intraduisible, il rend parfaitement compte de l'esprit irrévérencieux qui traverse le récit de part en part. On est tour à tour amusés ou attendris par les déboires de ce trio improbable. Car Canadèche n'est pas seulement un farce irrésistible. C'est aussi un conte poétique et surréaliste pour les grands adultes en quête de folie douce.

Une gourmandise à savourer le sourire aux lèvres.

(D'autres avis, ailleurs dans la blogosphère : Dominique, Aifelle, Kathel, Mango, Théoma, Keisha, Choco, Manu ou encore Munin)

Laurence

Extrait :

Mlle Emma Gadderly, l'assistante sociale du comté, apprit à Jake qu'il lui était impossible, en conscience, de recommander qu'on lui confiât la garde du petit Johnny. À peine les échos du beuglement qu'il poussa alors étaient-ils éteints qu'elle égrena les raisons de son attitude : il avait, dit-elle, près de quatre-vingts ans et ne pouvait certainement pas compter vivre encore bien longtemps. Il jouissait d'une triste réputation de buveur et de joueur. Il n'y avait aucune présence féminine dans son foyer. Ses terres avaient été mises en état de saisie par l'administration fiscale. Enfin, en toute franchise, à la lumière de l'existence d'une héritage substantiel, on pouvait douter de la pureté profonde.
Jake, écumant, ponctuant sa réplique de féroces coup de hachoir qu'il brandissait de sa main gauche, lui fit savoir à son tour que soixante-dix-neuf ans étaient une rigolade pour un Immortel ! Que le jeu et la boisson transformaient la blancs-becs en hommes dignes de ce nom ; qu'il existait, en fait, une présence femelle au foyer : c'était une jeune chienne griffon répondant au doux nom de Nookie ; qu'il comptait bien faire don du ranch à son petit-fils en échange des sommes qu'il lui apportait ; qu'elle n'avait pas à venir foutre son nez dans sa motivation profonde! [...]

L'oiseau Canadèche
L'oiseau Canadèche de im Dodge - Éditions Cambourakis - 104 pages
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Pierre Carasso