Tout tourne autour d'une maison qu'une fratrie doit nettoyer avant de la mettre en vente. Pierre, Anne et le petit dernier Joshua, ayant chacun ses particularités, son petit grain personnel, doivent se décider au sujet des affaires et des dettes laissées par leur père récemment disparu. Et même si l'on s'entend bien avec les autres, il n'est pas toujours très facile de faire avec ses souvenirs, bons comme mauvais, les absences ou les trop fortes présences. On n'hérite pas seulement de pièces sonnantes et trébuchantes, de meubles bancals, devenus très vintages ou de piles de vieux bouquins. On doit également faire face au passé de ses ancêtres, aux secrets qui remontent à la surface même soixante ans après.

Comme vous pouvez le constater, l'intrigue de ce tout premier roman est des plus simples. Ce qui en fait le charme (et son presque défaut, pour d'autres), c'est le ton adopté par son auteur pour nous raconter cette histoire. Très vite, on est pris par le rythme virevoltant et cette écriture simple, rigolote par moment, légèrement émouvante parfois. Ensuite, on se laisse tout de même emporter par une histoire montée comme un film, une suite de plusieurs séquences. Cette écriture propre aux scénario peut plaire ou déplaire selon les goûts de chacun. Il faut s'habituer au fait de sauter comme du coq à l'âne d'un personnage à l'autre, d'une scène à l'autre. Vers la fin, tout se précise. Mais bon, ça passe tant certaines scènes sont bien amusantes comme celle de la visite de Anne et Joshua chez un célèbre vendeur de meubles à monter soi-même. On y repensera certainement lors de notre prochaine visite. Sourires assurés devant les facéties de ces grands gamins que Pierre, Anne et Josh sont encore à leur façon.

Parfois, l'auteur s'amuse avec des effets de style, des répétitions comme celle-ci : elle finit par reposer le téléphone, elle finit par se lever, elle finit par allumer les lumières, elle finit… Soit, à un moment pourtant on se demande : mais est-ce que ce petit jeu va finir ?

En résumé, La maison Matchaiev est une histoire plaisante et légère comme une bulle de savon. On ne cherchera pas trop la petite bête pour éviter le Ploc ! qui la ferait disparaître. Ce roman a tout de ces feuilletons TV de l'été : simples, légers, pas prise de tête pour deux sous, certains leur trouvant plein de défauts, mais tout le monde en suit pourtant l'histoire jusqu'au bout. On aime mais on ne sait pas trop pourquoi.
Finalement, un peu de légèreté n'a jamais fait de mal à personne. La maison Matchaiev est à lire pour la distraction en attendant une pièce plus consistante. Monsieur l'Auteur, à vous de jouer !

Dédale

Extrait :

Anne descendit les dizaines de ballots de vêtements pour les entreposer dans l'atelier du rez-de-chaussée. Elle se concentrait sur leur poids, et sur l'effort qu'ils lui imposaient, peut-être pour ne pas trop penser à tous les fantômes qu'ils avaient dû habiller. Pendant ce temps, Pierre jetait du grenier les piles de journaux, que Joshua réceptionnait tant bien que mal avant qu'elles ne s'écrasent au sol. Anne essaya d'en soulever une. Elle laissa échapper une plainte sourde.
- Je suis cassée, c'est trop lourd. Je vous laisse faire, moi je vais prendre une douche, on est crade et on pue.
Pierre ayant quitté le grenier, Anne s'agrippa à un barreau élevé de l'échelle, pour détendre un peu son dos.
- C'est ça d'appartenir à une famille dont le passé sent mauvais, dit Joshua qui s'était rapproché d'elle pour lui masser les épaules.
Pierre répondit du tac au tac.
- Sauf que l'avantage du passé, c'est qu'on peut l'oublier.
Joshua continuait son massage. Anne parla à sa place.
- Mais non, Piotr. Ce qu'on oublie du passé, c'est ce qu'il avait d'anecdotique. Le venin, lui, il coule en nous, qu'on le veuille ou non. Il se balade dans nos veines, dans notre cerveau, l'air de rien il passe des parents aux enfants : et en même temps qu'il nous nourrit, il nous empoisonne.
- Il nous empoisonne si comme papa on garde tout. Tiens Josh, aide-moi.
Pierre, tenant des deux mains une pile de journaux, désignait les autres qui attendaient par terre. Anne regarda Joshua charger les bras de leur frère.
- T'es bien naïf. S'il y a quelque chose à oublier, ça veut dire que le mal est fait. On est les petits-enfants d'Andreï Vassilievitch Matchaiev, les crimes qu'il a commis, on les portera toujours en nous… C'est pas une question de souvenirs.
Joshua arrêta d'empiler les journaux. Malgré leur poids, Pierre restait planté face à sa sœur.
- Je préfère âtre naïf que mystique, alors. Je ne compte pas expier à la place d'un type mort il y a soixante ans.
- Ah mais je suis d'accord, moi. Je compte pas expier non plus, c'est trop tard. Je dis juste qu'on vit avec, que ça plaise ou non.
- Et ?
- Et… rien. C'est juste une question d'honnêteté. D'humilité. Histoire de ne pas se croire le plus fort du monde.
- Moi je me crois le plus fort du monde ?
Anna le regarda avant de répondre, et baissa les yeux.
- Je parle en général, Piotr. Arrête de tout prendre pour toi.
- Évidemment !

La maison Matchiaev
La maison Matchaiev de Stanislas Wails - Éditions Serge Safran - 251 pages