Ceux qui lisent régulièrement mes billets, savent tout l'intérêt que je porte aux premiers romans. Et bien que je fuie habituellement les romans dont j'entends trop parler à leur sortie, ma curiosité naturelle l'a emporté et l'enthousiasme étant tellement unanime, je m'attendais à une lecture puissante et fascinante.

Malheureusement, je suis restée totalement hermétique à l'écriture et au propos de notre jeune prodige.

On ne peut contester à l'auteur un véritable travail de la langue - et cette entreprise mérite d'être soulignée dans un paysage littéraire actuel où les faits l'emportent trop souvent sur le style. Je suis la première à me réjouir qu'un auteur torde et distorde le langage du quotidien pour nous offrir une écriture dense et poétique. J'aime être bousculée dans mon petit confort et me confronter à des styles exigeants et parfois dérangeants. Encore faut-il que tout cela ne soit pas gratuit.

Or, je n'ai pu me défaire de cette impression tenace que les phrases n'étaient ici assemblées que pour montrer et démontrer que l'auteur savait écrire. Pendant près de 400 pages, Marien Defalvard se prête à l’exercice de style : richesse sémantique, métaphores, allitération, alternance des rythmes, etc. Tout est travaillé, ciselé, sculpté avec minutie. Mais au service de quoi ? Ce roman m'a fait penser à un très beau flacon de parfum. En le regardant, on est admiratif devant le travail d'orfèvre de son créateur. Mais en ouvrant le flacon, on cherche désespérément la fragrance qui finirait par nous emporter dans son sillage. Las, aucune odeur, aucun caractère, aucune émotion n'est parvenue jusqu'à moi. Juste un très bel emballage un peu vain et ostentatoire qui n'aura su satisfaire mes attentes.

Laurence

Extrait :

Je devenais un peintre, et une envie soudaine commençait alors à grimper en moi, puissante; il me fallait, tout de suite, un chevalet, une blouse, un pinceau, car devant cette sombre scène forestière, j'échangeais mon âme contre celle d'un artiste, et j'avais l'impression qu'en moi bouillait un talent fou. J'appréciais l'épaisseur de la forêt obscure, qui soulevait de troncs imposants des feuillages aériens et vaporeux ; je m'étonnais de la simple beauté des reliefs qui portaient la forêt et qui posaient dans mon esprit d'autres beautés, celles d'abîmes et d'à-pic dont le caractère, s'il avait été humain, aurait guerroyé, frondeur et impétueux. Les aspérités profondes et distordues me rassuraient, si éloignées des creux que j'éprouvais parfois. Au pied de la cascade proche qui constituait certains jours le but de nos promenades, même la mousse du torrent et ses mille exhalaisons satisfaisaient les espaces vides de mon cœur.

Du temps qu'on existait
Du temps qu'on existait de Marien Defalvard - Éditions Grasset - 371 pages